Lors d’un récent voyage à San Sebastian un touriste américain me demande: «Bilbao vous intéresse d’un point de vue gastronomique?» Je veux lui dire oui, mais aimerais aller plus loin comme par volonté de ne 
pas évoquer le musée Guggenheim.

Adolescent, les formes métal­liques futuristes, la coque du monumental vaisseau de Frank Gehry me semblait former un édifice merveilleux. Je voulais me rendre à Bilbao pour l’approcher. Puis fin 2014, je découvre «l’événement Gehry», une rétrospective à la gloire de l’architecte américain, au Centre Pompidou de Paris: son geste qui me semblait jusque-là si libre, me paraît fabriqué. Je crains le danger d’une uniformisation de son spectacle bien avant de découvrir ses futurs projets pour Paris ou Arles. Quand dans la foulée, en 2015 Philippe Vignon, alors directeur de Genève Tourisme, déclare dans un débat sur la rénovation et l’agrandissement du Musée d’art et d’histoire: «Il nous manque une icône culturelle à l’image du musée Guggenheim de Bilbao», je comprends sa fascination. Tant la réussite touristique d’une ville qui attire plus d’un million de visiteurs et peut compter sur près de 485 millions de retombées économiques directes paraît éloquente.

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Mais après avoir visité la ville brièvement, je me documente. On peut regarder les bons élèves avec envie. Mais faut-il recracher la même copie? La réussite de Bilbao tient à une réflexion urbanistique entreprise plus de dix ans avant l’arrivée des collections du musée Guggenheim et à une politique culturelle globale entreprise avec toute une région, tout un pays.

Ce qui me frappe dans le cas de Bilbao c’est que la pointe de l’iceberg Guggenheim ne permet plus de prendre le temps de contempler les trésors du musée, comme les tableaux silencieux de Cy Twombly. Bilbao existe aussi pour la beauté de la langue basque, la fierté de son club de football, les caricatures minuscules des ses édiles au fond d’un bar.