Pour la première fois, l’Association suisse Vin nature vient de présenter une série de vins de ses
producteurs à des dégustateurs professionnels, à l’Hôtel Schweizerhof, à Berne. Ce qui montre un intérêt grandissant des sommeliers de grands hôtels qui travaillent avec les producteurs sur des cuvées spéciales. Certaines propositions ressemblent à des vins plus classiquement stabilisés, comme le Chasselas 2020 de Catherine Cruchon sur la Côte, ou la première cuvée en 2020 du Pinot Noir d’Elodie Kuntzer, à Saint-Blaise. Voici ci-dessous des vins qui questionnent davantage la non-intervention en cave.

La face cachée
d’Anne-Claire,
Anne-Claire Schott, 2019

La face cachée d’Anne-Claire, version Sombre: rare qu’un vin propose un monde aussi singulier. Au début, le côté floral, le parfum de myrtille séduisent, autour de tanins délicats. Puis le côté rugueux arrive sur la fin de bouche avec de la complexité, de l’amertume et un final vanillé. On s’approche d’Anne-Claire Schott, vigneronne au-dessus du lac de Bienne, pour comprendre ce breuvage qui exhale sa différence. Elle sourit: «On trouve trois quarts de Gamaret et de Diolinoir, ce qui donne ce côté lourd, et je voulais le balancer avec une dimension cosmique, légère, alors j’y ai ajouté un quart de Gewurstraminer d’une autre région, celui de Catherine Cruchon, à la Côte.» Une fantaisie qui lui permet de commercialiser son vin uniquement sous le nom Vin Produit Suisse et pas avec une AOC du lac de Bienne. Dans le même esprit de douce insurrection, le millésime 2019 est indiqué en chiffres romains. Un vin élevé en barrique 12 mois, dont 50% en bois neuf. Elle en produit un petit lot de 900 bouteilles.

Blanc Naturel,
Adrian Hartmann, 2019

Autre révélation, le Blanc Naturel 2019 d’Adrian Hartmann, à Oberflachs, en Argovie, assemblage de Riesling Sylvaner et de Charmont (cépage issu de la fécondation du Chasselas par le pollen du Chardonnay) vinifié en orange. Patine jaune ambrée, magnifique nez, senteurs profondes de jasmin et de fleur d’oranger. La fluidité en bouche impressionne, il vogue. Simple et rayonnant, Adrian Hartmann ressemble à son vin. Il décrit sept mois de macération dans des anciennes amphores en argile, pas de pompage et 11 mois de barrique, cette vinification permet une oxydation. Il en produit 1200 bouteilles. Comme Tom Litwan, avec qui il échange beaucoup, Adrian Hartmann montre la vitalité de la jeune génération qui croit en la biodynamie en Suisse alémanique.

Cinq millésimes de Champ Dury de
Marie-Thérèse Chappaz (2014, 2015, 2017, 2018, 2020)

Pour tout ceux qui pensent encore que les vins nature ne possèdent pas de capacité de garde, cette dégustation de l’assemblage Pinot Noir Gamay de la Valaisanne Marie-Thérèse Chappaz vaut le détour. Sur 2014, on sent la trame un peu fatiguée, malgré un beau nez sauvage fumé et le témoignage d’une vinification maîtrisée donnant une sensation d’apaisement. Sur le millésime 2015, on admire surtout la souplesse en bouche, la tonicité et l’équilibre. Parfait à boire en 2021. Avec le 2017, le parfum de mûre se fait entêtant, on retrouve le côté croquant et instinctif. Le 2018 combine sauvagerie et contemplation. Alors que le 2020 penche vers le cassis, on y retrouve déjà une grande élégance.

Traminer, nature rosé 2015, Christian Vessaz, Cru de l’Hôpital
Ce cépage extrêmement aromatique, dont le vieillissement amène beaucoup de finesse sur la version traditionnelle dégustée à la Mémoire des Vins suisses, transporte en vin nature encore plus de surprise en bouche.  On dirait une infusion, une eau de rose avec une dimension lactée, puis l’acidité vient réveiller le palais.