Et dire que le cinq étoiles devait rester en place jusqu'à l'automne 2003 selon sa première autorisation d’exploitation. Finalement, vendredi dernier, la Fondation Sandoz, son propriétaire historique, fêtait les 20 ans de ce seul témoin d’Expo.02 plébiscité par le public et les autorités politiques. Et qui après plusieurs prolongations d’autorisations et modifications réglementaires a obtenu son maintien définitif. «Une perle» pour Andrea Zambelli, CEO du pôle hôtelier de la Fondation Sandoz. Il parle ainsi de cet unique hôtel sur pilotis en Europe qui tire son nom d’un ensemble de pieux de bois qui créaient une cité lacustre: «Je ne connais aucun autre lieu où l’interaction entre l’hôtel et le site naturel, notamment le lac, fonctionne aussi bien.» 

Pour Pauline Laurent, née à Bevaix (NE), directrice depuis mars 2022 et directrice adjointe depuis mai 2020 de cet hôtel de 38 pavillons Lacustre et Rivage, il possède «une âme, une vraie. Il dégage une atmosphère unique de vacances et cette odeur propre au lac de Neuchâtel. Récemment, nos équipes ont pu assister à la naissance de canetons devant les pavillons.» 
Pour fêter l’établissement, la Fondation Sandoz décide d’organiser un marché des artisans neuchâtelois, sur le modèle de celui d’Anne-Sophie Pic, dans un autre de ses établissements, le Beau-Rivage de Lausanne. Mais ce marché souligne aussi le fait que ce quartier aujourd’hui intégré à l’urbanisation neuchâteloise abritait du néolithique à la fin de l'âge du bronze, les agglomérations des premiers agriculteurs, pêcheurs et éleveurs de la région. Même s’il s’agit bien d’artisans d’aujourd’hui qui collaborent avec leur chef depuis quatre ans Maxime Pot (14 points au GaultMillau): «J’aime les artisans qui respectent les saisons et les techniques ancestrales, comme les frères Alcala qui travaillent leurs jambons en les séchant dans un galetas et uniquement avec du sel sans fumage. Je l’accorde facilement avec des asperges vertes, c’est moi qui m’adapte au produit.» Les frères Alcala travaillent aujourd’hui à Vaumarcus, mais ils peuvent mieux que personne raconter les origines populaires du quartier de Monruz où se trouve le Palafitte: «Petits, on vivait à la rue des Vignolants, on a hésité à prendre nos cannes de hockey, car ici se trouvait la patinoire de Neuchâtel.» Ce quartier au nord-est de la ville doit son nom à une particularité topographique, échancrure dans le terrain ou mauvais ruisseau aux crues imprévisibles. Un quartier populaire et métissé, car ce marché met aussi en avant de nombreux produits issus d’enfants de l’immigration, à Neuchâtel, qui accorda en 1848 le droit de vote aux étrangers.

Des produits étonnants comme ce Pata Negra produit par des fils d’Andalous avec une appellation d’origine contrôlée neuchâteloise ou ces Pasteis de nata portugais confectionnés Aux Délices, à Saint-Blaise, ou les liqueurs Nora produites à Montalchez par des mains italiennes. Pendant que sa liqueur de fenouil nous reste délicatement sur l’arrière des papilles, Giuseppe Ratano raconte comment son grand-père au sud de l’Italie refermait les flacons de vins avec précisément du fenouil.
Des projets fous 

A un autre stand, Nicola Nyfeler venu faire déguster les absinthes Larusée se souvient de son autre vie comme porte-parole du Palafitte, voilà 20 ans. On se remémore avec lui l’humour de son premier directeur Antoine Chaumeron et les projets fous qui prévoyaient de transporter les pavillons en dirigeables jusqu'en Valais où ils devaient finir leur existence. 

Ancien directeur de l’établissement, Yves Chavaillaz nous racontait pendant la fin des travaux de rénovation du designer londonien Stuart Wilsdon en 2014, une des différences  entre le Palafitte et l’Hôtel d’Angleterre & Résidence qu’il dirigeait aussi à Lausanne: «Cela se situe dans cet afflux de clientèle suisse alémanique, à Neuchâtel. Déjà gamin, à Auvernier, j’étais frappé par ces coffres de voitures chargés de bouteilles de vignerons. Peut-être qu’ils sont attirés par un lac et une nature plus sauvages.» 
Un très bon taux d'occupation 

Pauline Laurent souligne que l’hôtel a affiché de très bons taux d’occupation au plus fort de la crise sanitaire entre 2020 et 2021 avec une clientèle essentiellement suisse, «beaucoup d’Alémaniques et de Tessinois.» Elle se réjouit du bon mix de clientèles loisirs (80%) et d’affaires (20% ), et de l’intérêt pour l’établissement de se diversifier autour du team building ou de soirées de réseautage. Elle souligne aussi le nombre d’employés très élevé, entre 40 et 50 personnes, «alors que j’ai travaillé dans des quatre étoiles où nous disposions d’une même force de travail pour 155 chambres».  Elle aime la clientèle «ultra-éclectique que l’hôtel réunit, des jeunes passionnés de design et des seniors aux goûts affirmés». 

Pauline Laurent pense que l’idée du marché peut permettre aux Neuchâtelois de s’identifier davantage au Palafitte, elle veut continuer ainsi à propager l’esprit ludique qu’elle a découvert lorsqu’elle dirigeait le Beverly Boutique Terrace Hotel, à Los Angeles. «A Neuchâtel, on peut faire venir à nous de la musique, des expositions pour enchanter nos pavillons.» Pauline Laurent évoque le trio de directrices qu’elle forme désormais à la Fondation Sandoz avec Nathalie Seiler-Hayer du Beau-Rivage Palace et Isabelle Von Burg du Lausanne Palace, et leurs multiples échanges. Au Palafitte, elle ne se lasse jamais de voir cette mouette qui revient sur le toit du pavillon 25.