Devenir propriétaire d'un nouvel hôtel le 2 mars 2020, à l'aube de la crise du coronavirus, en aurait fait paniquer plus d'un. L'hôtelier fribourgeois François Baumann parle avec ironie d'un «excellent timing» qu'il a choisi d'aborder avec philosophie et optimisme. «Sur le moment, c'est une grosse gifle mais je pense que des moments difficiles comme ceux provoqués par le Covid-19 nous ont rendus plus forts.»

A la tête de l'Hôtel Alpha (29 chambres, 3 étoiles) et du restaurant l'Alphabet qu'il exploite depuis fin 2011, le Fribourgeois fait partie des hôteliers à avoir maintenu ses portes ouvertes durant le semi-confinement. «Je suis plutôt du genre à trouver des solutions», partage-t-il. Il avait donc rapidement mis à profit son food truck de l'Alphabet pour servir des repas «chauds et sains» à sa clientèle confinée et proposé ses chambres au personnel soignant.

Mais avant cet épisode éprouvant, le dynamique trentenaire ressentait le besoin de se renouveler. L'Alpha, totalement rénové entre 2012 et 2014, pouvait se targuer d'atteindre un taux d'occupation annuel de près de 90% grâce notamment à la clientèle d’affaires. François Baumann avait besoin d'un nouvel espace de jeu où faire fleurir ses multiples idées. «Je pense que l'être humain peut tenir dix ans avec une motivation extrême sur un produit. Lorsque l'opportunité d'acquérir l'Hôtel Au Sauvage (16 chambres) en Basse-Ville s'est présentée, il était difficile de ne pas la saisir. Devenir propriétaire me tenait à cœur», explique-t-il.

Pareille réflexion l'avait guidé quelques mois plus tôt lorsque l'Auberge Aux 4 Vents (9 chambres) cherchait un repreneur. Situé aux portes de Fribourg, cet établissement connu loin à la ronde pour son charme et sa fantaisie lui avait offert sa première expérience dans le service et l'hôtellerie. C'est désormais aux côtés du restaurateur fribour­geois Philippe Roschi du Boulevard 39 qu'il l'exploite, depuis le 1er janvier. «Tout est arrivé en même temps, par des concours de circonstances. Je ne veux pas qu'on y lise une volonté expansionniste. Je suis très attaché à ma ville de Fribourg et regrette parfois qu'elle ne soit pas davantage valorisée. Plutôt que de critiquer, j'aimerais apporter ma pierre à l'édifice.»

Un «privilège» d'accueillir les gens chez soi
François Baumann est l'un de ces self-made men qui avance au flair et au coup de cœur, à l'envie et au défi. Il n'a pas fréquenté les écoles hôtelières traditionnelles, il est arrivé dans le milieu comme serveur extra durant ses études gymnasiales et s'est laissé happer par le virus de l'hospitalité. «Accueillir les gens chez soi est un privilège. On voit leurs petits yeux le matin. On accède à une forme d'intimité», partage-t-il.

Installé devant son nouveau fief de la Basse-Ville, François Baumann salue généreusement un passant sur deux. Ouvert depuis le 22 juillet, l'Hôtel Au Sauvage a été partiellement rénové en ajoutant des notes contemporaines. Au niveau du mobilier notamment ainsi que par ces créatures amusantes et stylisées, déclinaison du nouveau logo du Sauvage. «Je voulais mêler les genres tout en respectant l'histoire et le charme du lieu», explique François Baumann. Les chambres lumineuses aux poutres apparentes et au plafond boisé rappellent les origines de cette bâtisse protégée datant du Moyen-Âge.

Exploitée précédemment par le chef Serge Chenaux (16 points GaultMillau) et son épouse Catherine, l'adresse était avant tout positionnée sur la gastronomie. L'établissement avait fait faillite et fermé en octobre 2019. François Baumann annonce aujourd'hui vouloir renverser le concept pour se concentrer sur l'hôtellerie: «Il y a suffisamment de bons restaurants en Vieille-Ville. Cet hôtel bénéficie d'un large potentiel, également auprès de la clientèle d'affaires.»

[IMG 2]  François Baumann proposera une petite restauration dont le petit déjeuner et organisera des soirées le samedi soir.  Ces prochaines semaines feront office de «laboratoire». «Je veux être présent, sentir ma clientèle, transpirer Sauvage. On peut faire des business plans, il est nécessaire de rester proche du terrain et de s'adapter au besoin.» François Baumann fermera le restaurant l'Alphabet durant un mois pour bénéficier de son équipe pour lancer le Sauvage. Et minimiser les coûts jusqu'à la fin août.

Le meilleur de l'hôtellerie et d'Airbnb
Le nouveau propriétaire a maintenu son choix de renoncer à une réception standard, et ce malgré les nouvelles prescriptions sanitaires. «Je n'aime pas ce comptoir qui crée une barrière physique entre l'hôtelier et son hôte.» François Baumann annonce vouloir puiser dans le meilleur d'Airbnb et de l'hôtellerie pour garantir le meilleur accueil. Il s'explique: «Je veux faire en sorte de diminuer un maximum le contact administratif et financier avec le client. Lui dire qu'il a consommé deux cocas et un petit pain, c'est ultra pas drôle!» Bien sûr que la technologie doit permettre de libérer du temps, mais loin l'idée de François Baumann de passer à un check-in automatisé. «J'aimerais passer un moment de qualité avec mon client. J'espère avoir le temps de m'asseoir avec lui et lui dire que faire à Fribourg, où aller. Etre accueilli par un autochtone constitue une réelle plus-value pour un hôte.»

Quant Aux 4 Vents, il avait toujours eu l'envie de développer ce lieu bien particulier, lui qui l'avait exploité avec quatre autres personnes entre 22 et 27 ans. «Les fondateurs n'avaient pas réfléchi en termes de business. C'était des artistes qui s'étaient avant tout amusés. Moi aussi j'aime bien rigoler et suis attaché à l'histoire des choses. J'aimerais lui redonner sa magie.»   

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