Gilles Rangon vous venez d’être élu président de la Société des hôteliers genevois (SHG). Quels sont vos premiers sentiments… De la fierté, de la crainte ou les deux…
Honnêtement je n’éprouve ni fierté, ni crainte. Il s’agit d’une responsabilité particulière. Elle implique un travail sérieux pour le bien de nos membres. Ceux-ci représentent 83 hôtels sur un total de 126 établissements, totalisant 8455 des 9885 chambres du parc hôtelier.

Vous arrivez dans un contexte particulier pour l’hôtellerie genevoise très impactée par la crise du coronavirus. Que vous inspire la situation actuelle?
La situation reste très préoccupante. Si la plupart des hôteliers ont pu assumer la première vague en puissant dans leurs réserves, ce n’est plus le cas aujourd’hui. A Genève nous étions fortement orientés sur la clientèle d’affaires et de congrès totalisant cinquante pourcents de nos nuitées. Ces secteurs sont à l’arrêt. La Genève internationale affichait aussi un quart des nuitées. Tout cela nous fragilise davantage que Zurich et Bâle. Il reste un quart de segment loisirs que l’on peut encore développer.

Concrètement comment avez-vous agi?
Avec mon prédécesseur Thierry Lavalley, nous avons réussi à intégrer l’hôtellerie parmi les six secteurs susceptibles de bénéficier d’une aide directe de l’Etat, aux côtés de l’événementiel, des entreprises de la zone aéroportuaire, des transporteurs routiers, des voyagistes et des forains. Le Département de l’économie a bien défendu notre cause afin de pouvoir obtenir des aides financières de la Confédération à fonds perdus. A ce jour, une limite de 500 000 francs a été fixée ce dont certains hôtels gros porteurs ne peuvent équitablement pas se satisfaire.

Les trésoreries des hôtels ne peuvent pas tout compenser…   
Elles permettent de compenser des pertes sur deux ou trois mois. Mais là nos taux d’occupation restent stationnaires entre 10 et 12% depuis bientôt une année. Avec moins de 50% d’occupation, cela ne peut pas être rentable. 20 à 30% des charges restent incompressibles. Dans mon hôtel ouvert au ralenti, je dois par exemple maintenir une réception 24 sur 24 heures.  

Quel rôle particulier peut jouer un président en ce moment historique?
Il faut maintenir une vision, un cap, écouter, échanger.

Comment appréciez-vous le travail de votre prédécesseur Thierry Lavalley?
Je trouve son engagement remarquable. J’admire son sens politique, son aisance à communiquer.

Thierrry Lavalley dirigeait le Fairmont Grand Hotel Genève, un cinq étoiles un segment particulièrement influent à Genève. Vous dirigez un trois étoiles supérieur vous sentez vous également représentatif de leurs préoccupations?
Il incarne la réalité des palaces, si importants pour Genève, alors que je dirige un boutique hôtel accessible à toutes les bourses. Depuis 20 ans les présidents sont issus d’une hôtellerie quatre ou cinq étoiles. Mais dans les années 1990, certains présidents ont aussi représenté les trois étoiles. Là n’est pas l’enjeu. Chacun de nous doit justifier des demandes à son propriétaire qu’il soit petit et indépendant ou ou important acteur engagé à une échelle internationale.

La diversification hôtelière à Genève avec l’arrivée de nouveaux acteurs de grands groupes internationaux, notamment à travers Accor, Radisson Blu ou le retour de la marque Hilton sont-ils importants pour la destination?
Oui toute arrivée permet de faire rayonner l’ensemble de la destination. Surtout des marques avec des moyens marketing importants. Accor détiendra par exemple 19 hôtels sur la place. Ainsi, avec Genève Tourisme, nous pouvons contribuer à renforcer le segment loisirs en prônant une destination située au centre de l’Europe aisée d’accès. Parmi les autres pistes contribuant à l’attractivité de Genève, nous militons pour ouvrir les commerces le dimanche, désengorger les voies de circulation, mais aussi valoriser nos vignes, notre environnement culturel et naturel exceptionnels. Et il ne faut pas oublier l’esprit de Genève qui favorise l’échange et les poignées de mains, en bonne intelligence et en toute sécurité.

Vous avez notamment été juge employeur prud’homme… Quels sont selon vous les questions les plus urgentes pendant cette crise en terme de marché du travail?
Depuis le 1 novembre, Genève doit appliquer le salaire minimum. Le salaire minimum le plus élevé au monde, soit CHF3864 francs sur 13 mois. Alors que l’on se concentrait sur la sauvegarde de nos emplois pendant la crise, nous aurions aimé que nos partenaires sociaux nous aident à repousser un peu l’échéance de cette mise en application. Vous imaginez un jeune de 17 ans avec un diplôme fédéral de cuisinier obtenu après trois ans de travail qui sera payé comme une personne sans aucune formation. On n’envoie pas le bon signal. N’oublions pas que Genève a un coût du travail parmi les plus élevés au monde.

Mais vous connaissez aussi la réalité économique genevoise...
Oui je sais que Genève reste une ville chère, je suis parti du bas de l’échelle. Je n’ai cessé de me former pendant 15 ans.

Votre biographie parle d’un mental du boxeur et un cœur d’artichaut…  
Je suis un grand sportif, je pratique les arts martiaux et la boxe. Cela me permet de développer de la détermination, et de la résilience. Mais je pratique aussi le management participatif, je m’intéresse à la vie de nos 16 collaborateurs. Et je privilégie une vision humaniste.

De Nîmes à
l'Hôtel Eden


Gilles Rangon, 46 ans, devient président pour deux ans de la Société des Hôteliers de Genève. Il siège au comité depuis 2018 en tant que chargé à la formation. Depuis 2016, il dirige l’Hôtel Eden 3 étoiles Supérieur. Après un B.T.H obtenu à l’Institut Vatel de Nîmes, il s’installe à Genève il y a 25 ans. Gilles Rangon gagne ses premiers galons comme chef de rang. Il poursuit ensuite sa carrière comme maître d’hôtel à l’hôtel Bristol dont il prendra la direction de la restauration entre 2005 et 2016. aca