Le nouveau président de la Société des hôteliers genevois (SHG) Jean-Vital Domézon travaille depuis vingt ans à l’Hôtel d’Angleterre, à Genève: «Cela fait de moi tout sauf un globe-trotter de l’hôtellerie», sourit-il. Plutôt une figure de la profession bien établie dans la cité de Calvin comme les anciens présidents de la SHG, Thierry Lavalley, Paul Muller ou Marc-Antoine Nissille, ou l’actuel vice-président Marc-Antoine Fischer. Des profils et une fidélité qui les distinguent de certains directeurs généraux de grands groupes qui passent rapidement par Genève. 
Jean-Vital Domézon siège au comité de la Société des hôteliers genevois depuis sept ans, lorsque Marc-Antoine Nissille cherchait à intégrer tous les profils d’hôtels, notamment les cinq étoiles boutique comme le sien. 
Il souligne l’indépendance de la société qui ne travaille avec aucun partenaire économique. Au moment de débuter son mandat, Jean-Vital Domézon se réjouit du développement de l’ensemble de l’hôtellerie du canton, à travers les développements récents de la marque Ibis d’Accor, l’arrivée de Marriott dans la zone aéroport et d’Adina Appartements Hotels après notamment le succès de Fraser Suites et de la stabilité de 14 cinq étoiles dans une ville de 300 000 habitants. 

La cafétéria de l’école 
déclenche une vocation

A l'Hôtel d'Angleterre, Jean-Vital Domézon se retrouve à la tête de 39 chambres, six suites et une équipe d’environ 90 personnes. Au restaurant, il nomme les employés par leur prénom et ne manque jamais un trait d’humour. «J’aime la réalité de terrain d’un petit établissement où on ne vit jamais deux journées pareilles. Même si j’ai aujourd’hui un peu moins de temps, je reste attentif aux équipes, si je les vois dans le jus, je peux prendre une commande ou servir un plat.» 

Il se souvient d’un stage effectué dans un hôtel gros porteur de Bruxelles où chaque transaction devenait un automatisme: «Pour prôner à l'inverse l'art de la conversation et de l’échange qui doit s’inscrire dans notre quotidien.» Il apprécie de travailler pour une passionnée, sa propriétaire Beatrice Tollman, et l’esprit familial The Red Carnation Hotels, dont la collection comprend 17 propriétés à travers le monde. La présence de la propriétaire se manifeste aussi par ces recettes de pain aux graines et de cheesecake figurant à la carte du restaurant Windows du chef Alexandre Cardiga. 

En repensant à son enfance à Marseille, Jean-Vital Domézon n’hésite pas à se qualifier de cancre, menacé de pension et finalement envoyé en exil à Versailles. Il commence à retrouver goût aux études grâce aux éléments concrets du bac comptable, puis d’un BTS dans une école de commerce d’une centaine d’étudiants. Attaché à son vélosolex, qu’il possède toujours, il remarque qu’il n’existe aucune infrastructure pour croquer un sandwich à midi. Il commence par faire les courses, puis les confectionne et avec la découverte du micro-ondes dans les années 90, il met en place une cafétéria, avec réfrigérateur et machine à hot dogs. 

Il perpétue ainsi l’héritage commerçant de son père opticien et de là commence à germer une vocation d’hôtelier. Même si les souvenirs de l’importance du repas dominical qui rassemblait une douzaine de personnes autour de la bonne cuisine de sa tante et de sa grand-mère restent aussi des détonateurs. Aujourd’hui encore, il aime cuisiner et perpétue les déformations de son métier: «J’aime la cuisine minute servie sur assiette avec de jolis dressages comme des noix de Saint-Jacques au lard de Begnins.»

En 1992, il commence sa formation de quatre ans à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Il exprime de façon imagée: «Et boum! Je ne quitterai plus la Suisse sauf pour mes dix mois de service militaire en France.» En caressant la nappe de la table, il se souvient d’une très bonne intégration à l’EHL où il devient même collaborateur assistant en service. «Mais je trouvais mes gestes d’enseignant trop répétitifs.» 

A 26 ans, il connaît alors sa première expérience de directeur adjoint dans un 4 étoiles, au Rivesrolle à Rolle: «On exploitait 32 chambres et il nous en aurait fallu plus de 50 pour pouvoir attirer par exemple un autocar.» Malgré une belle véranda donnant sur la plage publique, il se rend compte que l’hôtel ne possède plus de capacités de croissance. 
Il suit alors Jacques Favre, son directeur de Rivesrolle qui devient son mentor à l’Hôtel d’Angleterre, à Genève. Il y arrive comme comptable, il aime les chiffres et les situations clairement posées. Mais se définit comme un comptable distrait, qui déjà veut capter la vie de l’hôtel: «Je ne me contentais pas d’enregistrer une facture, mais je voulais comprendre la raison de l’achat.» 

Il salue le travail subtil
d’Adrien Genier et de ses équipes

Il décide alors de franchir le pas et de reprendre un poste plus complet: la direction du F&B. Aujourd’hui devenu directeur général, il abandonne les yeux de son assiette pour se concentrer sur deux véliplanchistes qui volent sur le lac. 
Et associe librement des idées, il pense à l’emblématique jet d’eau éteint pour cause de vent à 200 kilomètres-heure, à la magnifique rade qui pourrait s’animer davantage l’été et même pourquoi pas à une scène artistique flottante. Mais chut! On reste dans la cité de Calvin où la verve démonstrative se fait parfois cadenasser, il en rigole. Il apprécie le travail et le discours qu’il qualifie de subtil d’Adrien Genier, directeur de Genève Tourisme, qui veut «faire aimer aux visiteurs ce qu’aiment les Genevois eux-mêmes.» 

En pensant à sa trajectoire de vie, il dit: «On veut toujours ce que l'on n'a pas. Je vivais dans le Sud de la France, avec la Méditerranée, de la chaleur. On vivait toute l’année à l’extérieur sur des terrasses à Aix-en-Provence et j’ai adoré la quiétude et l’âme genevoise.» 

Jean-Vital Domézon rêve à un peu plus de grandeur dans cette ville où les hôteliers, à l’image du Four Seasons Hotel des Bergues sur l’Ile Rousseau, pourraient amener leurs compétences au-delà du mur de l’hôtel et où des projets comme la Cité de la Musique  bénéficieraient du soutien de tous.