Bernard Russi, le groupe hôtelier Boas que vous administrez a pris un certain nombre de décisions en 2020, après de grosses pertes de chiffre d'affaires. Dans quel sens? 
Au début 2020, nous nous sommes réunis en comité de crise, il s’agissait de réorganiser le groupe, en diminuant les coûts et en changeant le modèle pour arriver à une structure de 8 hôtels et 750 chambres. Puis, l’incendie que nous avons subi à Saillon, en décembre 2020, nous a appris à devenir rapide et réactif. 

Il s’agissait notamment de vous séparer de votre siège de Crissier... 
Nous sommes passés de 30 à 15 employés au siège et économisons des loyers d’un demi-million. Les salaires et les départements commerciaux de grands établissements, comme les Bains de Saillon ou le Grand Hôtel et le Centre thermal d’Yverdon, doivent se gérer sur place. Notre siège se trouve désormais à Aquatis où nous pouvons utiliser 8 ou 9 salles de réunion disponibles. En 2016, j’ai choisi de me séparer de la branche EMS du groupe. Les relations avec les cantons devenaient compliquées, et la construction d’Aquatis nécessitait des fonds propres importants. Evidemment le timing n’était pas le meilleur avant la crise du Covid. Nous comptons aujourd’hui 600 employés, contre 1800 avant 2016. 

Pendant la crise, vous fermez deux établissements: l’Atrium à l’aéroport que vous veniez d’ouvrir en février et le Discovery Hotel à Crissier... Pourquoi?
Ce projet de l’Atrium me met très en colère, nous y avons déployé de l’énergie pendant sept à huit ans. La soirée d’inauguration reste un beau moment  juste avant le salon de l’auto, mais ensuite tout s’écroule. Impossible de trouver des arrangements, des diminutions de loyers avec le propriétaire. En tant que nouvel établissement, nous n'avons pas bénéficié d'aides; cela ne nous permettait pas de payer les loyers et nous avons dû fermer en décembre. Nos investissements dans le mobilier ont été perdus. La relation avec le propriétaire à Crissier était beaucoup plus correcte. Mais il fallait assainir la situation financière et finalement, on a opté pour la même solution que pour nos bureaux. 

Par contre, vous parvenez à rentabiliser Aquatis? 
Oui, avec 228 500 entrées en 2022. On trouve une clientèle fidèle à 80% locale et une vitesse de croisière, mais la taxe de 14% sur les divertissements que la Ville de Lausanne continue à appliquer nous pèse énormément. Des chiffres qui nous rapprochent des autres grandes attractions romandes, comme l’indétrônable Maison Cailler et le château de Chillon. En 2020, des gros investissements comme le changement des pompes hydrauliques ont été consentis. Il fallait réviser les vitres en acrylique des aquariums, réparer certains décors, travailler sur les normes en matière de feu. Beaucoup de normes changent depuis notre ouverture en 2015. Quand on voit l’accident de l’aquarium du Radisson Blu, à Berlin, en décembre, on sait qu'il faut rester vigilant. Notre hôtel vient de rejoindre la catégorie Congrès d’HotellerieSuisse en 4 étoiles. 

Vous prenez aussi la décision étonnante de renommer Michel Ansermet, directeur d’Aquatis Aquarium-Vivarium, alors que l’ancien directeur du Vivarium de Lausanne avait été écarté une première fois en 2016? 
Je ne connaissais pas bien le monde des zoos scientifiques et j’écoutais beaucoup de personnes, afin de trouver des solutions ailleurs. Mais finalement, Michel Ansermet représente le Graal, il connaît les animaux et reste créatif. Il s’agit d’un expert mondial reconnu. Il positionne Aquatis comme un centre de compétence européen. Un belle personne, un ami et un partenaire de travail toujours très réactif. Il poursuit une vision sur huit ans et sait sensibiliser le grand public à la disparition des escargots, des mille-pattes ou d'autres espèces.
Désormais, trois directeurs généraux que vous avez nommés ont repris la 
tête du groupe dont vous restez administrateur…

Racontez-nous cette nouvelle structure? 
Après une hospitalisation pendant le Covid, je décide à plus de 70 ans de réfléchir à mon futur et de m’éloigner de l’opérationnel. Je vis une partie de l’année à l’étranger, et le temps de passer le témoin arrive. La structure de fonctionnement des hôpitaux m’inspire avec sa direction médicale, administrative et celle des soins. Brice Lavedrine, qui travaille pour le groupe depuis 7 ans, après une expérience chez Manotel s’occupe de l’opérationnel. Dan Meylan dirige le pôle financier depuis Saillon. Et mon fils Christian Russi se charge de l’immobilier, de la stratégie et du développement. Ils se connaissent et travaillent bien ensemble. 

Que pouvez-vous nous dire du Grand Hôtel et du Centre thermal d’Yverdon-les-Bains? 
Qu’il sera mon soleil à moyen terme. Entre mai et juin, deux ans et demi de travaux pourront démarrer. On va raser l'actuel bâtiment des bains pour reconstruire sur le même principe de Saillon que nous venons de rouvrir. Nous rénoverons aussi le Grand Hôtel. Des investissements de 40 millions sans jamais fermer le site.  

Vous devez aussi trouver de nouveaux modèles économiques comme à Twannberg… 
L’hôtel restait fermé depuis 2016 et ne trouvait pas sa place dans le segment trois étoiles. Mon fils a eu l’idée de le rouvrir en 2023 pour des camps à partir de 40 personnes sur le site et ainsi nous arrivons à le remplir à l’année. 
Que dites-vous à ceux qui pensent que le modèle économique et opérationnel de Boas reste difficile à suivre? 
Nous faisons le choix de diriger des hôtels rentables. Nous allons nous séparer fin février de l’exploitation de l’Ermitage, à Clarens. Avec dix chambres, nous ne pouvons pas en retirer de 
profit. Nous nous inscrivons dans un mix d’hôtellerie urbaine et de montagne  en 3 et 4 étoiles. Nous ne voulons pas devenir le groupe Accor, nous restons un petit acteur bien à sa place.  

Avec un fil rouge dans vos investis­sements… 
Le thème de l’eau reste central avec le thermalisme, l’aquarium et même l’Hôtel Lake Geneva au bord du lac Léman. Nous démontrons notre grande compétence autour de l’eau douce, qui représente moins de 1% des eaux à travers le monde.  
 

Parcours
La nouvelle 
taille du petit
empire Boas


Bernard Russi a exercé comme mécanicien automobile avant d’entrer dans la gendarmerie vaudoise. 
En 1989, il achète un premier EMS avec son épouse Anne. En 2013, il se retrouve à la tête d’un petit empire de 19 EMS conventionnés, 8 résidences médicalisées, 6 hôtels et un centre thermal. En 2016, il vend l'ensemble de la partie EMS. 
Aujourd’hui, le groupe Boas reste à la tête d’Aquatis à Lausanne, des Bains de Saillon, du Grand Hôtel et du Centre thermal d’Yverdon-les-Bains, du Grand Hôtel Les Rasses – lauréat du prix de l’Hôtel historique Icomos en 2019 –, de l’Hôtel Nendaz 4 Vallées et Spa, du Twannberg Campus et du Studio Les Sources à Saillon.  aca