Gilles Dind, la Journée des vacances qui débute aujourd'hui à Arosa s'annonce comme de joyeuses retrouvailles. Toutefois, la guerre en Ukraine a douché l'enthousiasme de la branche. Quelles sont les nouvelles projections de Suisse Tourisme?
Malgré une certaine incertitude, nous ne pensons pas que la guerre en Ukraine aura un impact significatif sur le tourisme suisse cet été. Selon nos projections, la clientèle suisse continuera à être bien présente et devrait générer 5% de plus de nuitées qu'2019, année de référence. Nous nous attendons à une bonne reprise des marchés européens, dont les nuitées devraient représenter 83% de celles réalisées en 2019, et américains, avec 73%. Pour l'instant, nous ne remarquons pas de grosses vagues d'annulations, si ce n'est un léger décalage dans les réservations.

Cela sera plus compliqué à l'Est.
Le retour des hôtes asiatiques prendra plus de temps. Pour cette année, nous misons sur un niveau de 45% des nuitées réalisées en 2019 pour l'Asie du Sud-Est, 25% pour la Chine et le Japon, et 70% pour le Moyen-Orient.

Dans quelle mesure l'inflation risque-t-elle d'influencer ces prévisions?
La hausse du prix de l'essence et la répercussion sur le prix des billets d'avion sont des facteurs qui peuvent constituer des freins à l'évasion. Mais nous ne pensons pas que notre clientèle annulera ses vacances à cause d'un budget essence plus élevé. Les retours de nos collègues présents dans les marchés internationaux nous permettent de rester assez confiants actuellement.

Depuis le début de l'année, vous êtes responsable des marchés Ouest de ST, qui comprend la Suisse, la France, l’Espagne, l’Italie, le Benelux, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada et le Brésil. Comment vous adressez-vous à eux et quels sont vos arguments de relance?
Cette année, la reprise viendra de ces marchés. Nous allons mettre particulièrement l'accent sur deux thématiques: le Grand Tour de Suisse, par la route et le rail, et notre programme Swisstainable, lancé l'an dernier et jusqu'ici focalisé sur la Suisse. L'objectif en 2022 consiste à faire connaître ce programme de durabilité à l'étranger. Pour ce faire, nous utiliserons les aides accordées par la Confédération, soit 5 millions de francs sur deux ans.

Ces 5 millions font partie des 30 millions de francs supplémentaires mis à disposition pour la relance en 2022 et 2023. A quelles autres actions doivent servir ces aides fédérales?
Nous avons prévu d’autres initiatives comme la poursuite de «100% Women» ou «Run the Swiss Cities», qui montrera les villes suisses sous l’angle du running. Dans les marchés, des projets spécifiques verront le jour.

«Nous ne pensons pas que la guerre en Ukraine aura un impact significatif sur le tourisme cet été»

Votre nouvelle casquette intervient dans le cadre d'une réorganisation récente de Suisse Tourisme. Un moyen pour l'organisation de justifier son travail sur les marchés?
Notre présence sur les marchés et notre connaissance de ceux-ci constituent la clé de voûte de Suisse Tourisme: c'est là que nous pouvons faire la différence. Durant la pandémie, nous avons maintenu l'intégralité de notre réseau, ce qui nous permet aujourd'hui de mettre pleins gaz. Nous avons actuellement 34 bureaux dans 23 marchés et en visons 40 d'ici les 3-4 prochaines années. Nous venons notamment d'ouvrir une antenne à Lisbonne pour une durée limitée à deux ans, afin de rester agiles et de tester ce marché.

Lors de la Journée suisse des vacances, vous animez une «Breakout Session» sur le mix de marchés. Comment les sélectionnez-vous chez Suisse Tourisme?
Nous prospectons à intervalles réguliers et nous référons à une longue liste de 35 critères, ainsi que 13 facteurs complémentaires. L'évolution des nuitées hôtelières, la situation économique, l'accessibilité ou encore les coûts d'une communication sur place font par exemple partie de la liste. L'intégration d'un nouveau marché doit en outre répondre à nos objectifs de saisonnalité, de couverture géographique et de hausse de la durée des séjours.

De quoi dépend la réussite d'une stratégie de marché?
Il est nécessaire de bien connaître son marché et de bien se positionner. La durée joue aussi un rôle: faire preuve de persévérance et s'engager pour une durée d'au moins trois à cinq ans.

Au sortir de la pandémie, nombreuses sont les destinations suisses à vouloir intensifier leurs efforts sur le marché indigène. Une bonne idée?
Oui, car le marché suisse présente un potentiel élevé et n'est pas saturé. Les résidents suisses constituent une clientèle proche avec qui on parle symboliquement la même langue. L’augmentation des flux touristiques entre les régions linguistiques du pays perdurera. Le facteur de la durabilité se muera aussi en tendance de fond.