«Depuis mon arrivée en janvier, c’est la question que l’on me pose le plus souvent. Que va-t-il se passer? Et l’hôtel, restera-t-il ouvert?» Il faut dire que Pascal Küttel, directeur de l'Hôtel Continental à Lausanne (4 étoiles), se trouve aux premières loges. Son établissement fait partie des premiers concernés par le réaménagement du quartier de la gare. Ce projet qui se déroulera sur dix ans promet de changer considérablement le visage et le dynamisme des abords de la gare. Plus qu'un lieu de passage, il doit devenir un vrai quartier, une zone de vie et d'échanges avec notamment des espaces publics, des commerces et des restaurants.
«Cette nouvelle zone doit permettre autant de flâner que de prendre son train rapidement. 75% de la surface sera piétonne, avec une arborisation importante», explique Viviane Keller, responsable du projet Pôle gare mené par la Ville de Lausanne. Selon les projections des CFF, la gare de Lausanne doublera sa capacité d'accueil d'ici à 2030 pour accueillir quotidiennement 100 000 usagers. La gare sera également transformée pour répondre aux nouveaux défis de mobilité, dont fait partie le déploiement du M3. «La gare n’est plus digne de l’évolution et du dynamisme que connaît Lausanne», défend Bernard Pittet, directeur adjoint du projet Léman 2030 des CFF.
Touristiquement parlant, cette mutation est perçue avant tout avec enthousiasme. A commencer par le pôle muséal Plateforme 10, ouvert depuis un mois (lire ci-contre), qui devrait contribuer à drainer une nouvelle clientèle. Steeve Pasche, directeur de Lausanne Tourisme, y voit le moyen de présenter Lausanne sous une autre facette que le sport ou les arts de la scène, celle de la culture. «La gare gagne en importance, elle joue aussi un rôle de relais avec Genève Aéroport. Que l'on cherche à redynamiser ses alentours est positif.»
Plateforme 10: Des halles aux locomotives au musée: plus de 45 000 visiteurs en un mois
A l'emplacement des anciennes halles aux locomotives, le pôle muséal Plateforme 10 donne un avant-goût de ce que sera le futur quartier de la gare: un lieu de vie et de culture. Ouverte au public depuis le 5 octobre, l'institution, qui n'abrite pour l'heure «que» le Musée cantonal des Beaux-Arts, a drainé à ce jour plus de 45 000 visiteurs. Le pôle muséal sera réellement terminé en 2021 lorsque le Musée de l'Elysée et le Mudac (design et arts appliqués contemporains) l'auront rejoint. A terme, la Ville table sur une fréquentation de 300 000 personnes par an.
Le périmètre concerné va de Plateforme 10 à l'ouest au nouveau quartier La Rasude à l'est, du Petit-Chêne au nord à Sous-Gare au sud. «Le déploiement de ce nouveau quartier est super intéressant pour nous, confie Marie Naudy, directrice de l'Hôtel Victoria (4 étoiles) et CEO du groupe Sidin Hotels. De lieu de passage il deviendra pôle d'attraction. L'objectif d'en faire un lieu vivant de jour comme de nuit pourrait créer une nouvelle dynamique le week-end. Actuellement, les hôtels de la gare sont ceux qui bénéficient le moins du tourisme de loisirs.» Joris Barbotin, directeur de l'Hôtel Mirabeau Best Western plus (4 étoiles), estime que l'impact se fera plus ressentir sur le restaurant que sur l'hôtel.
Pascal Küttel préfère ne pas trop s'attarder sur les nuisances causées par le chantier et privilégier une vision optimiste à long terme. «Ces réaménagements prouvent encore une fois le dynamisme de Lausanne et donneront à l'hôtel une plus-value. Une piétonnisation a l'avantage d’offrir plus de calme à la clientèle.»
L'ambivalence de la piétonnisation
Si les messages positifs dominent, une période de chantiers n'enchante jamais les commerçants, surtout lorsqu'elle est annoncée sur dix ans. Pascal Küttel se veut confiant et rassurant. Il a pour ce faire entrepris de convoquer régulièrement les partenaires de l'hôtel, comme les représentants d'entreprises qui y logent leurs clients, pour les tenir informés de la situation. «Les travaux auront lieu avant tout sous terre, selon la méthode de la taupe. Il n’y aura pas, du moins pas tout de suite, de gros trou béant devant la porte de l’hôtel. Et oui, nous resterons ouverts mais nous en profiterons aussi pour entamer des travaux conséquents.» Le Continental refera entièrement sa façade et son 5e étage. Prévus de longue date, ces travaux coïncideront avec le chantier extérieur afin de concentrer les nuisances.
Pour les acteurs touristiques, la question de la piétonnisation pose la question du stationnement, notamment des autocars. «La place de la gare deviendra un hub où les cars doivent avoir leur place. Nous ne pouvons pas nous priver de certains publics cibles, comme la clientèle asiatique», relève Steeve Pasche. L'office du tourisme a intégré différents groupes de travail pour émettre ses recommandations. Il en va notamment du point d'information de la gare qui accueille 150 000 visiteurs en moyenne par année. «Nous leur avons demandé par exemple de ne pas nous placer au sous-sol.»
