Ce que l’on nomme par simplification de la Lex Booking n’est qu’un nouveau petit alinéa de la Loi fédérale sur la concurrence déloyale. Le projet du Conseil fédéral veut seulement permettre aux hôteliers de fixer librement leurs prix sur leur propre site internet. La commission des affaires juridiques demande d’aller plus loin. Qu’elles soient de prix, de disponibilité ou concernant les conditions, ces clauses forment un tout et restreignent la concurrence. Ce sont les conclusions auxquelles arrivent aussi les nombreuses études qui observent le marché depuis 2015.

En effet, il n’existe que peu de compétition entre les plateformes: pour preuve, elles proposent les mêmes produits, avec des commissions presque identiques. Trois plateformes détiennent 94% du marché suisse dont Booking.com 77% à lui tout seul: aucun nouvel acteur ne parvient à pénétrer sur le marché. Dans une étude, l’Union européenne conclut que la seule façon de vivifier la concurrence est de différencier l’offre. Et comme les plateformes nivellent le marché, la seule façon d’y parvenir est de redonner plus de liberté aux entreprises d’hébergement. Ces dernières doivent non seulement pouvoir jouer sur les prix, mais aussi proposer des offres de service attrayantes («packages») et disposer de leurs chambres en toute flexibilité. Une offre différenciée donne aux consommateurs un plus grand choix, des prix plus bas et plus de qualité.

Si le parlement décide de n’interdire que les clauses sur les prix, le désavantage comparatif que connaît la Suisse vis-à-vis de ses principaux concurrents subsistera. Aussi bien la France, l’Allemagne que l’Italie et l’Autriche, tout comme la Belgique et le Portugal, interdisent déjà toutes les clauses de parité. Et le parlement européen a appelé le Conseil des ministres de l’UE à en faire autant. L’hôtellerie suisse est comparativement chère. Qu’elle puisse se battre sur un même pied que ses voisins tient de l’évidence.
Les plateformes de réservation en ligne disent donner de la visibilité aux petits hôtels indépendants. De quelle visibilité parle-t-on lorsqu’un hôtel au budget modeste se retrouve à la quatrième page du classement, là où plus aucun internaute ne consulte le ranking? Pour se placer tout devant, ces petits établissements devraient payer des commissions de 25% et plus, ce qui dépasse évidemment leur budget et place le prix de la chambre en dessous du taux de rendement. Les hôtels indépendants que les Online Travel Agencies (OTA) prétendent défendre, sont justement ceux qui ont le plus facilement les points liés par les contrats des plateformes. A l’inverse des grands groupes, ils n’ont pas les capacités ni toujours le know how pour s’imposer face aux plateformes et subissent ainsi leur loi. 

Les plateformes disent traduire en 43 langues les offres hôtelières. C’est un service pour lequel les hôteliers sont reconnaissants; mais à l’heure de l’intelligence artificielle et compte tenu du demi-milliard de nuitées placées sur le site de Booking.com (2016), l’investissement consenti a largement été amorti.

Les hôteliers aimeraient être considérés en partenaires, comme se plaît à les appeler Booking.com. Le partenariat est trop souvent à sens unique. Confrontés aux chicanes, au manque de transparence et de communication des plateformes, les hôteliers sont conscients que l’interdiction de toutes les parités ne permettra pas de changer cet état de fait. Mais en retrouvant une partie de leur liberté, ils auront au moins quelques moyens de réajuster l’équilibre et d’assurer une plus grande concurrence sur le marché.


Christophe Hans est responsable Public Affairs chez HotellerieSuisse