Le temps d’entreprendre, de sortir les chefs de leur cuisine avec une idée dans l’air du temps semble venu. Alexandre Attia préfère dire de son idée: «Elle tombe à pic». A 22 ans, cet étudiant à l’Ecole hôtelière de Lausanne a mis son Bachelor pour six mois entre parenthèses pour concrétiser en quelques semaines Chef at home avec le vidéaste Diego Carven, professionnel de la communication. Une plateforme de seize chefs romands proposant des gammes de plats entre 65 et 145 francs par personne, plutôt prévus dès 4 personnes, la prestation se déroulant directement au domicile des clients. Ce qui comprend les courses du chef, la préparation sur place, le service et le nettoyage de la cuisine dans une prestation en solo.

La plateforme perçoit une commission de 15% et verse le reste du revenu dès le lendemain au cuisinier. «Nous voulons surtout proposer une relation directe entre le chef et le client, et éviter ainsi à ce dernier de devoir remplir trop de formulaires», explique Alexandre Attia.
Avec un maximum de chefs de gastronomie et bistronomie
La notion de solidarité avec les chefs reste au cœur du projet: «Quand ils se retrouvent sans emploi, ils se tournent vers les prestations à domicile, mais ils peuvent toujours modifier leur disponibilité eux-mêmes sur notre plateforme.» Par exemple, chef de partie au Pont-de-Brent, Benjamin Gauthier s’est engagé en signalant qu’à la réouverture du restaurant, son offre deviendrait plus relative. Le chef Benjamin Breton, également présent sur la plateforme, salue cette idée: «Cela permet de centraliser les offres, d’établir un profil précis pour chaque chef et sa signature, et d’élargir le champ des possibles.»

En Suisse, pour l’heure, seules deux sociétés européennes occupent le marché, Take a chef et La Belle Assiette, avec une offre réduite par rapport à celle qu’ils proposent dans des pays voisins. «Nous sommes le premier acteur entièrement suisse, nous voulons travailler sur l’ensemble du pays à court terme en proposant un maximum de chefs venant des mondes de la gastronomie et de la bistronomie.» Alexandre Attia vient de vivre sa première expérience chez lui avec Grégory Halgand, chef exécutif à l'Hôtel Golf Resort de la Gruyère, qui fut étoilé au RoyAlp à Villars: «Son savoir-faire m’a impressionné, mais très vite on a partagé des expériences, et il nous a donné quelques conseils de préparation.» Pour le client, il note que l’économie réalisée sur les vins, par rapport à une sortie au restaurant, reste non négligeable.

Des cours de cuisine  à domicile
envisagés pour le futur

Avant de concrétiser son projet, Alexandre Attia a tenu à en parler avec Fabien Pairon, Meilleur Ouvrier de France et professeur à l’EHL: «Il m'a demandé comment nous allions garder les chefs sans leur faire signer des contrats d’engagement et je lui ai expliqué que tout allait fonctionner sur un lien de confiance. Il a tenu également à me rendre attentif à la marge possible sur des menus à 65 francs et au fait d’étudier le prix par rapport au nombre de convives.» Dans les développements possibles de sa société, le jeune entrepreneur pense à un service de cours de cuisine à domicile, à une suggestion d’accords entre mets et vins et à l’organisation de repas d’entreprises.  

Le chef se déplace avec
ses outils mobiles habituels

Benjamin Breton, qui fut étoilé au Fiske Bar à Genève, va col­laborer avec Chef at home. Il lui arrive déjà de cuisiner chez des privés: «Cela permet de briser la glace, de découvrir l’univers privé d’un banquier ou d’un notaire par exemple, mais je veux toujours garder ma trame pour pouvoir travailler mes techniques et mes associations de goûts, sinon je n’y vais pas.» Le chef, qui recherche en ce moment à reprendre un établissement en France voisine, se retrouve souvent dans des cuisines bien équipées: «J'emmène toujours quelques outils mobiles habituels, dans mon travail, comme un thermoplongeur pour réaliser quelques cuissons sous vide.»
chefathome.app/

Commentaire
Médiatisation précaire

Quand on parle autour de nous de Chef at home, tout le monde pense que cela existe déjà. Mais après quelques recherches, on remarque que la Suisse reste très en retard sur ce marché. Ses deux principaux concurrents, Take a Chef, qui annonce sur son site une collaboration avec 40 000 chefs dans 100 pays, et La Belle Assiette, implantée dans les pays européens francophones et au Royaume-Uni, ne semblent pas très concernés par la Suisse. Ils proposent peu d’offres dans notre pays et aucun des deux n’a souhaité nous répondre. Donc Chef at home a flairé le bon coup en s’associant à des chefs crédibles et en percevant pour l’heure une commission modeste, ressemblant pourtant à celle des OTA. L'ubérisation de la société nous effraye. Une association de chefs, comme celle des vignerons nature présentée ci-dessous nous plairait davantage. Mais il faut bien reconnaître qu’au-delà de sa surmédiatisation massive, le rôle du chef en Suisse reste très précaire, donc tous les moyens de les aider restent louables.                                            Alexandre Caldara