A l’image de ces 12 derniers mois qui ont bouleversé le calendrier de la finale mondiale du Bocuse d’Or, reportée déjà deux fois, l’édition 2021 du plus célèbre des concours de haute cuisine, prévue les 26 et 27 septembre prochains à Lyon, s’annonce hors norme à plusieurs égards.

D’abord par le déroulement des épreuves. Pour la première fois, le thème «assiette» est provisoirement remplacé par une box «take away», objet emblématique à la fois des vicissitudes de la profession et de ses capacités d’adaptation pendant la pandémie.

«Nous voulions une édition en parfaite résonance avec cette crise sanitaire. Celle-ci a profondément affecté notre branche et en premier lieu les chefs, mais elle a aussi permis de souligner le rôle essentiel des lieux de restauration dans nos relations sociales, partout dans le monde. Si nous avions fait une finale du Bocuse d’Or en ignorant ces aspects, nous serions passés à côté de notre mission», explique Florent Suplisson, directeur des événements gastronomiques chez GL events, organisateur du concours.

Le take away, qui a permis de maintenir le lien avec le client malgré le confinement, est devenu en une année un genre culinaire que la haute cuisine, aux yeux du jury, se devait de s’approprier. «C’est un exercice particulier et décalé. Il faut garder l’esprit de la cuisine dans la confection, alors même que le plat n’est pas destiné à la salle mais sera transporté dans une boîte», ajoute Florent Suplisson.

Chaque candidat devra concevoir son propre contenant, impérativement réutilisable et empilable, et fabriqué avec 100% de fibres végétales. Le jury, présidé par le chef danois Kenneth Toft-Hansen, dégustera les préparations en situation, à même la boîte, dont les aspects visuels et ergonomiques seront pris en considération dans la notation globale.

«L’édition 2021 se veut un hommage au rôle des chefs dans notre société.»
Florent Suplisson, Gastronomic events director chez GL events, organisateur du Bocuse d’Or

Le menu du take away, constitué d’une entrée froide, d’un plat principal et d’un dessert, est la seconde petite révolution de ce Bocuse d’Or 2021, dans la mesure où il n’y a jamais eu d’entrée et de dessert au programme du concours depuis sa création en 1987. Le mets travaillé sera la crevette, tandis que la tomate cerise choisie pour ses propriétés à la fois acide et sucrée sera déclinée tout au long du menu. L’épreuve devra être réalisée en 4h55. Mais à année exceptionnelle, épreuve exceptionnelle. Ces changements dans la gastronomie de concours ne devraient pas être reconduits, la tradition reprenant ses droits dès la prochaine finale de 2023.

Le take away, un moyen de garder le lien avec le client
Pour la seconde épreuve du concours (durée 5h30), les candidats se retrouveront sur un thème plus classique autour d’un paleron de bœuf braisé, bœuf français «Label Rouge» entier, présenté cette fois-ci sur un plateau unique pour tous les candidats. «Le produit n’est pas forcément considéré comme une pièce noble, mais le Bocuse d’Or n’est pas réservé aux produits de luxe», insiste Florent Suplisson. «C’est un produit assez technique, qui n’est pas facile à cuisiner et très goûteux. »

Du côté suisse, cette édition 2021 comporte elle aussi son lot d’originalités. Pour la première fois, le candidat de la Suisse, Ale Mordasini, a pu s’entraîner dans une cuisine construite à l’identique aux plans de celle mise à la disposition des finalistes à Lyon (voir article en allemand ci-contre). Un confort loin d’être superflu et dont bénéficiait déjà certains candidats d’autres pays.

«Le Bocuse d’Or, c’est du sport de haut niveau, chaque seconde est comptée. Nous avons décidé de construire cette installation pour qu’Ale Mordasini puisse s’entraîner en conditions réelles. L’objectif est qu’il puisse répéter ses gestes, travailler presque les yeux fermés pour être le plus tranquille possible le jour J», explique Lucien Mosimann, coordinateur du Bocuse d’Or Suisse.


Environnement et durabilité
Autre nouveauté de l’édition 2021, la création du Bocuse d’Or Social Commitment Award viendra récompenser l’implication d’un chef dans un projet social et environnemental lié à l’alimentation au sens large.

Avec ce prix, le concours international entend souligner le rôle du chef de cuisine dans la société, à l’époque de la durabilité et de l’économie circulaire. «Ça peut être un programme pour économiser l’eau, aider des personnes défavorisées, lutter contre le gaspillage, etc.», souligne Florent Suplisson. «Nous avons déjà un jury cuisine qui regarde la façon dont le chef travaille pendant la finale, s’il jette beaucoup, s’il reconditionne et remet tout de suite au réfrigérateur les ingrédients non utilisés, tous ces aspects liés au gaspillage. Avec ce nouveau prix, nous voulons donner plus de visibilité à ces thématiques.»

Pour cette première fois, seuls les chefs qui le souhaitaient ont déposé un dossier de candidature, qui sera évalué par un jury composé de personnalités des milieux de la restauration, de l’environnement et de l’entreprise. Le nom du lauréat sera dévoilé le 27 septembre. Cette nouvelle catégorie est appelée à devenir obligatoire lors des futures éditions du Bocuse d’Or. «Nous souhaitons ainsi favoriser l’engagement et la prise de position des chefs sur ces sujets», prévient Florent Suplisson.

Voir aussi «Die Handgriffe sitzen fast schon perfekt»