En Suisse romande, contrairement à la Suisse alémanique, il n’existe pas véritablement d’offres gastronomiques véganes.  Seuls quelques établissements proposent une cuisine simple et de qualité dont des pionniers à Genève comme le tout petit Aux Deux Portes depuis 1999 ou Helveg depuis 2013. Eux résistent toujours. Mais on ne pensait pas que la crise agissait si violemment sur la plupart d’entre eux dans l’ensemble du monde francophone. 

Eateco à Neuchâtel et Mu-Food à Genève viennent de fermer leur restaurant et se concentrent uniquement sur leur activité traiteur. Ariana Bramati, d’Eateco, l’explique ainsi: «Toute notre clientèle fidèle de midi, notamment les employés de l’Office fédéral de la statistique, travaille en majorité à la maison et ne vient plus. Je ne tiens pas non plus à demander le pass sanitaire systématiquement à nos clients.» A Fribourg, Bliss a ouvert depuis septembre 2018 un restaurant de 16 à 20 places où il propose un éventail complet de restauration végane à travers une petite carte de saison: «Dans une petite ville comme la nôtre, on remarque un beaucoup plus grand intérêt pour notre offre ces deux dernières années», se réjouit Cristina Condon.

Pour Eateco, une nouvelle collaboration avec l’Université de Neuchâtel ne disposant plus de cafétérias offre un peu de répit à la restauratrice et fait penser à l’initiative des étudiants à Berlin où plusieurs universités proposent uniquement des plats végans.

En France, peu d’offres hors des villes
Plus surprenant encore, le restaurant ONA, fondé par la cheffe Claire Vallée, dans le bassin d’Arcachon, premier établissement végan étoilé en France en janvier dernier vient de fermer temporairement le 6 janvier. Le texte qu’ONA vient de publier sur son site internet pour informer sa clientèle pose un certain nombre de questions:  «La position critique dans laquelle nous projette tous la pandémie du COVID a désormais atteint son paroxysme: entre l’annonce du pass sanitaire, la peur que la restauration ne soit plus une voie d’avenir et les difficultés locales à se loger notamment, nous ne parvenons plus à recruter de personnel de restauration qualifié. Nous travaillons depuis des semaines trop régulièrement en sous-effectif, et il est hors de question d’épuiser plus physiquement et moralement notre équipe. ONA est une maison, pas un lieu de tourment.»

Pour Claire Brachet, spécialiste de la cuisine végétale en France: «Cette situation tient plus aux exigences nobles en termes de travail, de service, de personnel de Claire Vallée qu’au type de cuisine végane qu’elle pratique.» Concernant le développement des restaurants végans en France, Claire Brachet pense que cela fonctionne de mieux en mieux dans les grandes métropoles, comme Paris, et dans certaines régions comme le Pays de la Loire ou la Bretagne et même dans des villes de tailles moyennes. Elle souligne aussi leur développement dans ces centres touristiques. Par contre, une région comme le Sud-Ouest où elle vit, cela reste «encore très marginal et mal vu». Elle estime aussi que dans la France rurale, il reste difficile de trouver un restaurant proposant un ou deux plats végétariens.

Un burger récompensé par GaultMillau
A Neuchâtel, Ariana Bramati commence à développer le concept Eateco en 2017, un partenariat avec quelques entreprises de la région autour de repas à livrer, «une cuisine saine, sans produits animaux, de saison, le plus local possible» et développe petit à petit, un restaurant de 30 couverts derrière la gare. Mais elle ne tient pas à l’appellation végane: «Cela sonne un peu comme une secte, on se sent jugé. On ne veut rien remplacer, on veut juste faire autrement. Seuls 20% de notre clientèle pratique le véganisme. On propose aussi une offre sans gluten rare en Suisse romande.» Et si quelqu’un met l’accent sur le fait qu’elle cuisine sans œuf, elle dit simplement: «Moi, cela me semble normal.» Elle se réjouit d’ailleurs que son burger maison ait été distingué par le guide GaultMillau comme meilleur de la ville en 2019, toutes catégories confondues: «C’était une magnifique surprise. Il mettait en avant nos produits. Un pain maison, des haricots bio italiens, de la farine de pois chiche utilisée par tout le monde en Ligurie, du riz complet.»  

Pour Tosca Olivi, consultante pour la restauration, on devrait arrêter de catégoriser les établissements et concentrer la communication sur une alimentation légère, délicieuse et qui fait envie pour redynamiser ce marché en Suisse romande.