«Nous n'avons pas repris, mais créé un hôtel. C'est très différent.» Pour raconter cette singularité, Pierre-André Michoud, propriétaire et exploitant de l'Hôtel du Théâtre à Yverdon (3 étoiles supérieur, 36 chambres), ressent tout d'abord le be­soin de remonter le temps. Peut-être parce que les fragments de vie et d'expériences cumulés au fil des 35 dernières années se retrouvent dans cette demeure patricienne transformée en 2005 en établissement de charme.

Diplômé de l'Ecole hôtelière de Lausanne (EHL) en 1984, Pierre-André Michoud fait partie de ces alumnis qui, après deux ans d'expérience comme assistant de direction à l'Hôtel Rivesrolle à Rolles, choisit de changer de cap. Il rejoint American Express comme vendeur. «J'ai toujours dit que je quittais l'hôtellerie avant d'en être dégoûté. Cette expérience m'a permis aussi de découvrir le milieu sous un autre angle: celui des fournisseurs.»

Un tour du monde plus tard, suivi de deux postes de direction dans des cliniques vaudoises et de deux ans en Indonésie dans le monde industriel de la chaussure, l'Yverdonnois ressent le ­be­soin­ de retrouver ses premières amours. «Retourner à l'hôtellerie me titillait. Le contact avec les gens, la maison me manquaient.» Pierre-André Michoud déchante, il peine à trouver son bonheur. «Je ne voulais pas recommencer au bas de l'échelle. J'étais déçu que l'on ne me fasse pas confiance.» Il n'a jamais été attiré par les grandes chaînes hôtelières, ni à Jakarta ni en Suisse. Il recherche un style familial, à taille humaine, proche des clients et des collaborateurs.

[IMG 2] Le hasard (ou la chance) en fait l'homme qui rouvre l'emblématique Ecusson Vaudois, l'une des plus vieilles auberges d'Yverdon. Nous sommes en 1994. «Nous n'avions que neuf chambres, mais ne souhaitions pas nous présenter comme un restaurant avec des chambres à l'étage, mais bien comme un hôtel avec un restaurant.» Il convainc sa future épouse rencontrée en Indonésie de le rejoindre.

Elle en maîtresse de maison, lui engagé sur tous les fronts
Active dans l'exportation de meubles, Ninik Michoud devient son bras droit. «Ninik est devenue hôtelière malgré elle et elle le fait très bien! Nous sommes très complémentaires», glisse-t-il avec un regard complice pour celle qui assume avec naturel le rôle de maîtresse de maison. Elle se charge autant du design intérieur que du yield management ou de la formation du personnel de maison. Des missions qu'elle endosse d'autant plus souvent que son époux augmente ses engagements: au sein de l'association hôtelière locale, de l'office du tourisme puis d'Expo.02 où il gère l'hôtel modulaire Art & Plage. En 2011, il rejoint le comité exécutif d'HotellerieSuisse dont il devient vice-président en 2015. Il est aussi vice-président de l'EHL («cette école me fascine!», dit-il) et administrateur du Crédit hôtelier à Zurich. «Plus vous vous engagez, plus on vient vous chercher», justifie l'hôtelier.  

Trois candidats pour lui succéder
Membre du comité exécutif d'HotellerieSuisse depuis 2011 et vice-président depuis 2015, Pierre-André Michoud doit céder sa place pour des raisons de limitation de mandats. Les délégués de l'association éliront son ou sa successeur(e) le 28 novembre 2019 à Zurich. Une femme et deux hommes se présentent: Marie Forestier, directrice de l'Hôtel BonRivage à La Tour-de-Peilz; Nicolas Ming, propriétaire de l'Astra Hotel à Vevey et Peter Butler, GM de l'Hôtel de Rougemont.

La reprise de l'Ecusson vau­dois­ confirme sa passion pour l'hôtellerie. Il se sent un peu à l'étroit avec neuf chambres. Et il manque de lits à Yverdon, il s'en était aperçu lors de l'Expo.02. Intrigués par une demeure patricienne endormie située à deux pas du Théâtre Benno Besson, de la gare et du centre-ville, Pierre-André et Ninik Michoud y entrevoient un potentiel hôtelier. Né en 2003, le projet de l'Hôtel du Théâtre met deux ans à éclore. «J'ai voulu créer un endroit où l'on se sente bien, grâce à des couleurs et une circulation harmonieuse», explique Ninik Michoud.

Dans les chambres, on privilégie les tonalités naturelles, des lumières douces, du parquet au sol. Avec ses briques rouges et ses mosaïques bleues, la cour inté­rieure donne le sentiment de dépaysement. Après l'ajout de huit chambres spacieuses «côté jardin» et de trois salles de conférence entre 2014 et 2017, l'hôtel a atteint sa forme définitive.
 

La foi dans le service humain et personnalisé
Son taux d'occupation avoisine les 65% en moyenne sur l'année, reposant largement sur les entreprises. Pierre-André Michoud concède: «Nous profitons de notre situation centrale et de la faible capacité hôtelière à Yverdon.» Côté loisirs, la classification «bike» de l'hôtel lui assure régulièrement la venue de cyclistes. «Yverdon a un peu perdu son statut de ville thermale», regrette l'hôtelier qui estime que le potentiel touristique de la ville est sous-exploité.  

Parent de deux filles de 22 et 23 ans, dont une étudiante à l'EHL, le couple se dit confiant pour l'avenir. Et reste fidèle à ses valeurs. «Nous sommes conscients des changements de modes de consommation, mais ne voulons pas perdre notre âme. Nous ­croyons au service humain, personnalisé. Nous offrons des prestations qu'il faut enrober dans du plaisir.» Bientôt allégé de ses mandats auprès d'HotellerieSuisse, Pierre-André Michoud investira le temps retrouvé pour sa clientèle. «J'aimerais devenir leur guide, leur proposer des balades ou des virées sur notre bateau.»
 
hotelyverdon.ch