Agroscope, centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole, conduit des recherches sur les cépages résistants aux maladies dans son centre de Pully. Jean-Laurent Spring, responsable du groupe de recherche viticulture, explique son historique et ses développements: «Cette activité commence en 1965 avec des croisements entre cépages européens dotés de résistance contre la pourriture du raisin et qui donnent naissance notamment au Gamaret, Garanoir, Diolinoir et Galotta», explique Jean-Laurent Spring. Des cépages rouges qui, aujourd’hui, couvrent près de 1000 hectares, soit environ 12% du vignoble rouge en Suisse. 

D’autres recherches commencent en 1996 qui concernent la résistance à deux autres maladies majeures, le mildiou et l’oïdium qui sont à l’origine de 80% des traitements phytosanitaires effectués en viticulture. A partir de croisements interspécifiques classiques ont alors été sélectionnés le Divico, cépage rouge diffusé à partir de 2013, rapidement devenu le premier cépage résistant cultivé en Suisse avec 66 hectares recensés en 2020, et le très récent Divona, cépage blanc homologué en 2018  représentant 5 hectares en 2020. «La qualité reste au rendez-vous: aux concours de PIWI International 2020 et 2021, en Allemagne, les Divicos ont obtenu d’excellents résultats. Son développement dans la pratique est rapide et très prometteur», estime Jean-Laurent Spring.

Depuis 2009, l’Agroscope de Pully collabore avec ses collègues français de l’Inrae de Colmar sur des créations de cépages dotés d’au moins deux gènes résistants pour chaque maladie afin d’assurer une stabilité à long terme des résistances. Ces créations permettraient de faire face à de nouvelles mutations des maladies. Au départ, une sélection de 400 candidats pour arriver à 30 cépages en essais élargis, puis à l’horizon 2025-2035 à l’homologation de quatre à cinq cépages. Une dernière recherche initiée avec l’Inrae de Colmar et le canton de Vaud nous semble intéressante. Il s’agit de croiser des porteurs de résistance avec des cépages conventionnels comme le Chasselas, le Pinot Noir, le Gamay ou le Merlot. «Le but est d’obtenir des cépages dotés de caractéristiques proches des principaux cépages emblématiques de nos régions avec de solides résistances, les premières homologations pourraient  arriver en ­2040.» 

Une approche qui va dans un autre sens que celle que défend Valentin Blattner dans l’entretien ci-contre, mais que Jean-Laurent Spring soutient: «Il y a de la place pour toutes les approches, on doit aussi tenir compte de celles que défendent des régions viticoles en lien avec leurs traditions et des accords gastronomiques, tout comme de tenir compte des goûts très développés par de nouvelles générations de consommateurs.» 

Quant aux critiques de Valentin Blattner sur les pratiques d’Agroscope qui confisquerait des cépages aux créateurs indépendants, Jean-Laurent Spring répond: «Il n’existe aucun frein à quiconque veut se lancer dans cette aventure, mais bien des règles à respecter qui ne sont pas édictées par Agroscope et relativement semblables dans les pays européens.»