Sergei Aschwanden, vous dirigez l’Association touristique Porte des Alpes, à Villars, et vous apprêtez à accueillir dès aujourd’hui et jusqu’au 22 janvier les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ). Racontez-nous les derniers préparatifs…

Chaque matin, une conférence téléphonique avec les organisateurs nous permet de peaufiner les derniers détails. On a de la chance avec le bon enneigement de nos pistes. Aux Diablerets, jusqu’au Rachy, de l’eau a été injectée dans la neige pour assurer la qualité des pistes de ski alpin pendant les jours d’entraînement et les six jours de compétition. Les infrastructures se dressent aussi aux Diablerets et à Villars pour accueillir au bas des pistes les concerts de pointures comme Bastian Baker ou Charlie Winston. Avec les transports publics du Chablais, le comité d'organisation des JOJ Lausanne 2020 organise le transport de 70 000 élèves de l’école obligatoire sur les différents sites.

Etes-vous satisfait des retombées en termes de nuitées pour la destination?

En termes de nuitées, l’impact reste limité, l’entier des athlètes logeant à Lausanne. Pour l’instant, on peut parler de 600 à 700 nuitées pendant les compétitions. Donc il reste des disponibilités à Villars et aux Diablerets, nos deux destinations pouvant accueillir entre 1000 et 1300 personnes. On savait qu’il ne fallait pas attendre de retombées directes de l’évènement, même s’il reste important dans la période du creux de janvier.

Pouvez-vous utiliser l’image olympique dans votre promotion?

Nous ne nous occupons pas directement de la promotion de l’évènement, mais nous utilisons les anneaux olympiques reconnus par 97% de la population mondiale et le logo des JOJ dans notre communication.

Certains de vos marchés prioritaires sont-ils directement impactés par l’évènement?

Notre clientèle reste suisse à 50%, puis vient de France, d’Angleterre et du Benelux à 40%. Elle ne réagit pas directement au JOJ. Mais la présence d’un millier de journalistes ne peut qu’assurer une belle vitrine à notre région.

Les JOJ ont-ils permis à vos infrastructures de se développer?

Oui. L’ouverture pour la deuxième saison de la télécabine de dix places du Meilleret aux Diablerets est une conséquence directe de l’obtention des JOJ. Sa modernité nous fait du bien. Elle permet de développer le ski et la luge nocturne ainsi que les activités estivales. Leysin peut relancer son positionnement sur le freestyle, Villars autour de la notoriété de notre championne Fanny Smith, qui s’affirme dans le ski cross, et la destination se positionnera sur le ski alpinisme à l’horizon 2026.

Et les investissements politiques suivent…

L’ensemble de la réflexion sur les Alpes vaudoises est allé de pair avec cette manifestation. Un crédit final de 13,7 millions devra être voté par le Grand Conseil ces prochaines semaines sur un total de 49 millions. Il permettra de continuer à investir dans les infrastructures pour le VTT et de mettre en place de nouveaux panoramas pour observer depuis les Alpes vaudoises l’ensemble de la région du Léman.

En mars 2018 vous regrettiez dans «Le Temps» le manque de conditions-cadres de la part des organisateurs… Qu’en est-il aujourd’hui?

Les choses ont bien avancé. De nouvelles personnes ont été engagées, et tous les sites ont été délivrés dans de bonnes conditions.

En tant qu’ancien sportif d’élite comment percevez-vous ces Jeux?

J’ai eu la chance de travailler comme consultant pour le CIO à Singapour lors des premiers JOJ d’été voilà dix ans. Je salue cette réunion de jeunes athlètes du monde entier. J’aime cette idée de fête et d’éducation aux valeurs olympiques. Mais je me demande aussi s’il est sain de les sacrer «champion olympique» si jeunes. Le fait de se retrouver entre 15 et 18 ans avec un titre ou une médaille olympique alors qu’ils se retrouvent aux portes de leur longue carrière sportive peut exercer une influence néfaste pour leur avenir. Donc à titre personnel, je préfère la dénomination Festival olympique de la jeunesse par exemple.

Et pour vous le discours politique autour de l’évènement devrait s’ancrer davantage…

Oui, en Suisse notre politique à l’égard du sport manque de moyens. Profitons de la lumière autour des JOJ pour l’affirmer. Il s’agit d’un évènement relativement jeune, seulement les troisième JOJ d’hiver, avec un budget très conséquent entre 60 à 70 millions, supportés pour près de 40 millions par le comité d'organisation des JOJ Lausanne 2020. Je pense que les JOJ pourraient devenir un tremplin idéal pour reposer en Suisse les questions de l’héritage de nos structures d’accompagnement du sport. Aborder les questions du sport et de la santé.

Donc dans le détail…

Redire que les lois fédérales concernant le nombre de périodes de sport à l’école obligatoire restent largement bafouées. Redynamiser le soutien étatique du sport d’élite notamment dans le canton de Vaud, en s’inspirant de la structure Team Genève. Permettre l’accès aux sports de neige aux jeunes qui ne le peuvent pas pour des raisons financières et culturelles par un budget correct accordé notamment à des associations ou activités telles que Go Snow.

Les JOJ introduisent la parité femmes-hommes dans l’histoire des Jeux. Sur les 1880 sportifs présents en Suisse, la moitié seront des femmes. Cela vous réjouit-il?

Evidemment le sport doit refléter les changements sociétaux. Il n’y a aucune raison de discriminer les compétitions de femmes. Il faut affirmer leur rôle prépondérant dans le monde du sport.

On mélange aussi les nationalités dans certaines compétitions des JOJ, comme le hockey à trois… Qu’en pensez-vous?

J’aime beaucoup cette idée de mélanger deux-trois nationalités dans une équipe. Le sport doit s’imposer comme langage universel. Je rêve d’une équipe réunissant Palestiniens et Israéliens. La performance en soi n’est pas un but. Elle peut pousser vers de plus grands idéaux.