«Le Conseil d’Etat devra maintenant statuer!» Cet avis exprimé par le président de Tourisme neuchâtelois (TN) Bernard Soguel résume bien l’état d’avancement du dossier du Creux-du-Van et de ses environs. Un atout clé du tourisme neuchâtelois par sa beauté, exploité aussi pour l’agriculture et la sylviculture, ce site a, depuis quelques années, un besoin urgent d’être mieux géré afin de préserver la faune et la flore. Chaque année, grâce notamment à son accès routier, quelque 100 000 personnes viennent se balader au bord du cirque, mettant sérieusement à mal la végétation qui se trouve au sol. Un projet de gestion touristique avait été élaboré dans le cadre d’un programme Enjoy Switzerland-Aide suisse aux montagnards, mais il a été abandonné en 2015, car la situation politique en aurait empêché la réalisation, estimaient ses initiateurs.

Une meilleure maîtrise de l’usage du site et des flux de visiteurs devrait dès lors passer par l’adoption d’un plan d’affectation cantonal (PAC) concocté par l’Etat de Neuchâtel en collaboration avec l’Etat de Vaud, le site étant à cheval sur les deux cantons. Il propose, notamment, d’interdire l’accès du cirque sur la moitié de sa longueur et la varappe, un tracé unique pour les VTT, et pour l’agriculture, des mesures visant à limiter l’usage des engrais. Comme le soulignait l’Etat de Vaud lors de la présentation du plan, il ne s’agit pas de mettre le Creux-du-Van sous cloche, mais de faire en sorte qu’il soit «protégé et valorisé» et plus «simplement consommé».

Le plan n’a pas fait que des heureux. Loin de là. Plus de quatre cents oppositions ont été enregistrées, mais il en resterait toutefois moins d’une centaine. Les oppositions proviennent notamment des associations de protection de la nature qui estiment que le plan ne va pas assez loin sur le plan de l’effort écologique, du Club alpin suisse, car moins d’une centaine de varappeurs taquineraient le rocher par an, des agriculteurs, pour qui les mesures préconisées mettraient certaines exploitations en péril.

Tourisme neuchâtelois a également fait opposition. Non pas parce que les mesures de limitation d’accès du site ne lui conviennent pas, mais, comme l’explique Bernard Soguel, parce que le rapport justificatif n’exprime pas «de véritable volonté politique d’appliquer rapidement le plan». L’ancien conseiller d’Etat ajoute: «Nous soutenons ce plan que nous appelons de nos vœux de­puis dix ans, car ce patrimoine naturel doit être préservé pour garder son attrait.»

Pour lui, il s’agit d’aller vite, car chaque jour la nature trinque. Le PAC préconise, par exemple, comme le souhaite TN, que des cheminements balisés soient créés dans la partie accessible au public. «Or, il ne dit pas à qui incombera la responsabilité et le financement de cet aménagement», fait remarquer Bernard Soguel.

Le dossier Ceux-du-Van étant toujours en chantier, il est encore temps de voir quelles sont les pratiques adoptées ailleurs. S’agissant de la gestion des flux touristiques, des solutions existent. «Inspirons-nous de ce qui se fait dans les parcs nationaux américains et canadiens en aménageant des infrastructures d’accueil en amont», propose Yann Engel, directeur de TN. Il verrait, ainsi, d’un bon œil la création de parkings de délestage payants plus bas, dans le Val-de-Travers, ou au Pré au Favre. Une idée que partage aussi Frédéric Cuche, ancien président d’Ecoforum, société faîtière des associations neuchâteloises de protection de la nature. «Avec de tels parkings, on devrait arriver à une ­solution», dit-il. Les recettes ainsi dégagées permettraient de financer un transport vers le site, des panneaux d’information, des travaux d’entretien.

La suite de l’histoire, ce sont les gouvernements cantonaux neuchâtelois et vaudois qui l’écriront. Ils doivent en effet prendre position sur les avis exprimés lors de la mise à l’enquête du plan. Bernard Soguel espère que le PAC entrera en vigueur dans le courant 2019. En attendant, et si le beau temps est de la partie, le Creux-du-Van, envahi de toute part, vivra un nouvel automne touristique chaud.