L’hôtellerie suisse a quasiment 200 ans. Aux auberges s’ajoutèrent dès les années 1830 de magnifiques établissements urbains. Érigés près d’une gare comme le Schweizerhof bernois, d’un débarcadère tel le Schwanen à Lucerne ou d’une poste à l’instar du Baur en Ville à Zurich, ils accueillaient les voyageurs fortunés. Parallèlement, l’essor du tourisme thermal suscita la construction d’hôtels de villégiature, de Bad Ragaz (1841) à Engelberg (1865), avant la vague des sanatoriums d’altitude, à Davos dès 1869 et à Leysin dès 1892.

Avec leurs vastes terrasses où les malades étaient exposés au soleil des Alpes, les sanatoriums furent rarement de grandes réussites architecturales. En revanche, les hôtels de charme et les palaces furent souvent l’œuvre d’architectes de renom auxquels d’importants moyens étaient confiés. Il n’est que de penser aux lacustres Schweizerhof de Lucerne (1845), Beau-Rivage de Lausanne (1861) ou Splendide Royal de Lugano (1887). Pour s’adapter aux exigences des touristes, principalement anglais, allemands, russes et américains, ces établissements haut de gamme procédèrent aux indispensables travaux de modernisation. Ce qui leur permit de rester compétitifs et de retrouver leur clientèle au sortir des deux guerres mondiales.

Pouvoir se réclamer d’un haut lignage est évidemment un atout. Deux organisations s’emploient à mettre en valeur les hôtels à valeur historique. L’une, Swiss Historic Hotels, offre une plus-value en matière de marketing. L’autre, Icomos, distingue chaque année un hôtel historique (ainsi qu’un restaurant) en attribuant un prix. Deux démarches parentes, mais bien distinctes.

Question d'ambiance, d'authenticité. Un séjour dans un hôtel historique.

Pour figurer sur la liste des Swiss Historic Hotels, les établissements doivent remplir un certain nombre de critères portant sur 30 années d’existence au moins, l’architecture du bâtiment et une qualité de service élevée. «Une équipe d’experts rend visite aux hôtels intéressés et les évalue selon un questionnaire standardisé que les candidats ont rempli au préalable pour s’autoanalyser», explique Katja Pagano. Grâce au marketing produit tant par le recours aux newsletters et aux réseaux sociaux que par la collaboration avec Suisse Tourisme, Swiss Historic Hotels a pour objectif d’augmenter le nombre de nuitées et le chiffre d’affaires des membres. «En d’autres termes, nous leur offrons un positionnement sur le marché par le biais de notre label.»

Tout autre est la démarche d’Icomos, qui récompense par un prix les hôtels et les restaurants historiques dont l’entretien et la gestion sont réalisés dans le respect des impératifs de la conservation. Volontaires eux aussi, les candidats sont départagés selon deux critères: un critère hôtelier, portant sur la manière dont l’hôtel est géré, et un critère architectural. Les éventuelles surrestaurations passées seraient autant de points en moins. «A l’inverse, le fait que certains hôtels n’aient pas été trop modernisés par le passé, qu’ils baignent encore dans leur jus, est une chance dans le sens où l’on peut les restaurer maintenant dans les règles de l’art», commente René Koelliker, coprésident du groupe de travail Icomos.

Pour le client, séjourner dans un hôtel historique est une expérience mémorable. Question d’ambiance, d’authenticité. Pour l’hôtelier, être reconnu comme hôtel historique par des organismes bénéficiant d’une véritable légitimité a valeur de prestigieuse carte de visite.

Jean Pierre Pastori est journaliste, écrivain et l'ancien directeur du château de Chillon et président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne.