S’il existe de nombreux trains panoramiques et à thèmes dans toute la Suisse, celui affrété entre Morges et Bière par l’association La Voie des Sens est unique en son genre. Cette offre, qui fonctionne tout au long de l’année (sauf pendant les mois de juillet et d'août), utilise l’axe ferroviaire comme outil de promotion des métiers de bouche, tout en mettant en avant le travail des agriculteurs, restaurateurs, artisans et commerçants locaux.

Exploité par les Transports MBC, le train La Voie des Sens propose aux touristes de parcourir les trajets Morges–Bière ou Morges–L’Isle en dégustant des produits du terroir, à travers cinq thèmes possibles: «Brunch des champs», «Train des saveurs», «Train du vigneron», «Train du fromager» et «Bières & Burgers».

Augmenter la part de touristes suisses alémaniques 
Depuis quelques années, ce programme connaît un succès populaire croissant. En 2022, il a accueilli près de 2000 touristes, pour un chiffre d’affaires avoisinant 200 000 francs. «Nous ne sommes pas loin de l’équilibre financier. C’est de bon augure pour 2023 qui a très bien commencé», se réjouit François Gatabin, président de l’association. Ancien directeur des Transports de la région Morges–Bière–Cossonay (MBC) et passionné de trains, son arrivée en 2014 n’est pas étrangère au renouveau de la formule, qui enregistre aujourd’hui un taux de remplissage entre 55 et 60%.

La restauration complète du train s'est achevée en 2021, avec la rénovation de l’automotrice pour un coût d’environ 400 000  francs, financé par l’Etat de Vaud, des sponsors ou encore de nombreux dons privés. Le train historique morgien «bénéficie d’une très bonne cote, notamment en Suisse alémanique, où je suis certain que nous avons un grand potentiel de développement», souligne François Gatabin. «La restauration du train dans son état d’époque renforce le côté patrimonial du produit. Et je pense que nous sommes les seuls en Suisse à offrir 36 trains touristiques réguliers sur l’année avec 5 produits différents.»

Directrice de Morges Région Tourisme (MRT), Jacqueline Ritzmann partage cette analyse de marché. «Notre objectif désormais est de coupler le train avec d’autres offres afin que les touristes d’outre-Sarine prolongent leur séjour et augmentent ainsi le nombre de nuitées», explique cette Bâloise d’origine. Outre la singularité du concept, le produit s’intègre dans le positionnement slow tourisme initié par la région en 2019.

«C’est un produit d’appel qui incarne pleinement notre stratégie. Si les retombées économiques de La Voie des Sens sont difficiles à estimer, celle-ci reste importante pour l’image de la région», souligne la directrice de MRT. «Le train valorise aussi les circuits courts, et on relaie l’offre sur le site des Grands Sites du Goût. Nous devons profiter de ces synergies avec ces partenaires pour être mieux connus», ajoute Alexia Meylan, coordinatrice de projets à MRT.

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La vitrine d'un savoir-faire et des produits du terroir
Partenaire depuis huit ans, Stéphane Brioschi élabore les menus pour les balades «Train du fromager», «Train du vigneron» et «Bières & Burgers». Son collègue Frédéric Simond, de l’Auberge aux deux Sapins à Montricher, confectionne quant à lui ceux du «Brunch des champs» et du «Train des saveurs». Pour l’ensemble de ces prestations, les matières agricoles utilisées viennent de cultures situées à proximité immédiate du chemin de fer. 

«Avec les prix pratiqués, nous n’avons pas pour but de faire de grands bénéfices. Ces expériences gastronomiques sont avant tout une vitrine de notre savoir-faire», souligne Stéphane Brioschi, associé-gérant des Artisans Cuisiniers, restaurant-boulanger-traiteur, employant 25 salariés à Bière. «C’est un peu un salon gastronomique sur roue. On peut discuter et échanger avec la clientèle. Je pense que la restauration doit se réinventer. Aujourd’hui, on ne peut plus attendre le client, il faut aller le chercher.»

Propriétaire de la brasserie de Couvaloup depuis 2020, Alexander Rockinger fournit quant à lui les bières, dont plusieurs ont par ailleurs été primées dans des concours internationaux de dégustation. Si lui aussi ne compte pas ses heures, les retombées globales sont positives. «En général, les clients sont très satisfaits et leurs retours gratifiants. Certains viennent nous voir après à la brasserie», reconnaît-il. «C’est une approche ludique et distrayante pour découvrir la région, avec un fort potentiel d’attraction, toutes catégories d’âges et sociologiques confondues.»

Toutes les formules ne rencontrent pas le même succès et ne s’adressent pas nécessairement au même public. Programmé six fois par an, le «Train du vigneron» permet à chaque fois à un producteur différent de l’appellation «Morges» de présenter ses vins accompagnant le menu, ainsi que son vignoble. «C’est un excellent moyen de faire connaître les vins de Morges aux habitants de la région comme aux touristes.

Dans un train, ce n’est pas comme dans une foire ou un salon, les gens sont toujours attentifs à ce qu’on dit», relève Tristan Perey, vigneron à Vufflens-le-Château et représentant des vins de Morges. «Beaucoup de clients reviennent. On jouit d’une des plus belles vues sur le lac. Le train monte dans les vignes, traverse des cultures de toutes sortes pour arriver au pied des forêts. La beauté et la diversité des paysages sont vraiment un plus et le train opère un trait d’union unique entre ville et campagne.» 

lavoiedessens.ch