Le discours prononcé par Denzel Washington lors d'une remise de diplôme à l'Université de Pennsylvanie m'a beaucoup touché. Je suis récemment tombé sur cette vidéo. Celle-ci est disponible à plusieurs reprises sur YouTube. M. Washington y souligne de manière émouvante que dans la vie, il faut aussi savoir perdre et résume cela par la formule «fall forward – tomber en avant!» Ce discours est un plaidoyer pour un nouvel équilibre entre le succès et l'échec. 

Comment puis-je transférer cela dans ma vie et dans ma profession? Je travaille d'une part dans la digitalisation, un domaine dans lequel, selon certains analystes largement cités, plus de 80% des projets ont échoué en 2021. En même temps, je travaille dans la formation qui, il en va de notre avenir, ne peut pas échouer. Si nous associons formation et digitalisation, les tensions sont donc programmées. Ajoutez à cela le secteur du tourisme hautement fragmenté et diversifié, et le feu d'artifice est complet! Comment créer de la place pour l'échec dans ce contexte? 

Un grand projet de digitalisation pour la formation, pour un hôtel, pour un restaurant ou pour une destination touristique ne peut simplement pas échouer. Mais les nombreuses idées qui constituent le grand projet, si. Peut-être devrions-nous par conséquent un peu plus cibler nos ambitions de digitalisation, resserrer nos hypothèses et mesurer le succès non pas à l'aune des grands projets, mais à celle des valeurs ajoutées individuelles? Lorsque la complexité augmente, chaque petit pas compte. 

Dans un monde complexe, l'idée devient ainsi ma mesure des choses. Une idée recèle toujours un potentiel de réussite ou d'échec. Au lieu de clôturer des grands projets en grande pompe, j'aime célébrer chaque idée mise en œuvre avec succès! Cette façon de voir la digitalisation demande une nouvelle culture de la réussite. Elle nécessite le courage d'innover, le plaisir d'apprendre des erreurs, ainsi que de nouveaux critères financiers et des modèles de management capables de gérer les évidences positives et négatives. 

Pour un hôtel, un esprit «fall forward» éviterait par exemple de vouloir digitaliser d'emblée tous les processus administratifs et commencerait peut-être déjà avec l'idée d'envoyer un formulaire check-in en amont du voyage à l'hôte. Une destination touristique chercherait par exemple à faciliter et intégrer les idées de digitalisation des prestataires, plutôt que de développer et imposer sa grande plateforme. Un écosystème de formation en ligne s'ouvrirait par exemple à plusieurs outils et contenus au lieu d'imposer une seule structure de cours. 

Partant de l'évidence que je ne peux pas tout savoir et plus tout projeter, je dois néanmoins pouvoir continuer à croire aux idées. Et avoir le courage de rejeter parfois des idées qui, malgré tout l'espoir, ne peuvent pas ou plus être réalisées. Pour réussir la digitalisation, voire pour réussir tout court, nous ferions finalement bien de combiner l'espoir et l'évidence de manière un peu plus ludique!   


Expert en tourisme, Thomas Steiner est CEO de Immotour Sàrl, professeur à la HES-SO Valais et membre du comité de Suisse Tourisme.