Le projet genevois de fanzone, pendant la Coupe du monde de football, à Plainpalais, pourtant très avancé dans son élaboration ne verra jamais le jour. Une décision finalement prise par l’organisateur la société événementielle Nepsa le 20 novembre. Un crève-cœur pour son coordinateur général Anthony Disner, codirecteur de Nepsa: «Il s’agit d’un événement rassembleur et populaire pour de nombreuses communautés de tous horizons. On a vu venir la polémique tardivement, quelques mois avant le début de la Coupe du monde. Mais on ne se sentait pas inquiété autre mesure, notre manifestation n’avait aucun lien avec le Qatar, on diffusait les matchs de la RTS. Tous nos prestataires et partenaires du monde de la restauration et du catering venaient exclusivement de Genève.» 

L’organisateur rappelle qu’il agissait sous mandat de la ville comme pour la Coupe du Monde 2018 où près de 400 000 personnes avaient profité de cette offre et pour l’Euro 2020 où l’événement ne s’était finalement pas déroulé pendant la pandémie. Cette fois-ci, le budget de la manifestation, uniquement financé par des privés, s’élevait à 1 million, 70% budgété sur le revenu des stands, 20% sur du sponsoring et 10% sur les recettes. 

Un projet de sensibilisation aux enjeux écologiques et sociaux
Pour Anthony Disner, il s’agissait dès le départ d’une configuration compliquée en raison de la tenue de la manifestation en hiver: «On devait repenser les infrastructures, les réduire. Le projet permettait d’accueillir 5000 personnes, 4000 sous une tente tempérée munie de quatre écrans, deux autre espaces restaurant de 500 places complétaient l’offre. On voulait privilégier un univers qualitatif et local, notamment en ne servant que du vin genevois sous la grande tente pour attirer un public moins facilement mobilisable qu’en été.» La Ville de Genève avait voté un budget de 20 000 francs pour sensibiliser le public de la fanzone aux enjeux écologiques et sociaux au Qatar. Un des initiateurs du projet, le conseiller municipal socialiste Théo Keel, l’explique ainsi: «On ne voulait ni interdire ni censurer la manifestation, mais proposer une sensibilisation aux abords et à l’intérieur de la fanzone.» 

Anthony Disner répond: «Nous l’acceptions avec plaisir lors de la Coupe du Monde en Russie, plusieurs associations travaillaient déjà dans ce sens sur notre fanzone.» Théo Keel se demande «si des événements qui associent des restaurateurs et des producteurs locaux ne devraient pas plutôt se mettre en lien avec des manifestations à vocation plus locale; on se retrouve avec une forme d'incohérence, de décalage à mettre en place une démarche de proximité souhaitable, mais pour célébrer un événement déconnecté d’ici.»

Les raisons d’abandonner le projet restent multiples. Evidemment les agressions subies par les organisateurs sur les réseaux sociaux, traités par des internautes «d’assassins», «de collabos» et de «fachos», semblent insurmontables pour les équipes: «C’est déjà dur pour Frédéric Hohl, qui a pourtant dirigé les Fêtes de Genève, la Fête des vignerons et Expo.02, et pour moi, mais vous imaginez pour les équipes derrière nous, un responsable technique, un gestionnaire.» Deux plaintes pénales ont été déposées, l’une au nom de la société Nepsa, l’autre au nom de Frédéric Hohl.

Les conséquences d'une annulation subite
L’autre problématique pour les organisateurs devenait la position solitaire difficile à tenir, ni Paris, ni Berlin ne proposait désormais de fanzone: «On devenait la seule ville européenne d’envergure dans un réseau de 300 kilomètres à proposer une telle offre, en plus avec la dimension des droits de l’homme dont se réclame Genève. Nous avions peur de devenir l’épicentre de manifestations. Une fanzone en hiver reste un projet où il faut motiver davantage les sponsors et le public à venir, alors si vous vous retrouvez en présence de force de l’ordre et de sécurité privée en permanence sur le qui-vive, vous perdez forcément en qualité et en expérience visiteur.» 

Anthony Disner se définit comme un fan de foot, qu’il a pratiqué, puis il a entraîné des jeunes. Il considère la Coupe du monde au Qatar comme une aberration, mais il aimerait sensibiliser la population aux conséquences de l’annulation en dernière minute de la fanzone: «Des techniciens dans l’événementiel se retrouvent sans boulot du jour au lendemain. Cette décision à un impact économique important pour l'ensemble du tissu économique genevois.»

Au niveau romand
Seul Martigny subventionne sa fanzone


Aucun office du tourisme ne participe en Suisse à l’organisation de fanzones pour une coupe du monde. «On peut réfléchir à des partenariats dans le cas d’événements sportifs se déroulant dans notre pays», explique Fabian Claivaz, directeur de Martigny Tourisme, en Valais.

Martigny est un cas intéressant puisqu’il s’agit à notre connaissance de la seule ville à subventionner publiquement à hauteur de 30 000 francs une fanzone. Anne-Laure Couchepin Vouilloz, présidente de la ville, nous répond: «Martigny a l’habitude de soutenir les fanzones liées aux grands événements de football depuis de nombreuses éditions. Nous avons répondu aux sollicitations du Martigny-Sports qui souhaite, en mettant en place cette fanzone, tisser des liens sociaux, éprouver du plaisir d’être ensemble et ressentir les émotions procurées par le sport.» La ville ne prévoit pas un programme de sensibilisation pour les spectateurs de la fanzone: «On ne veut pas prendre en otage les supporters de football pour dénoncer les dérives de ces événements», explique Anne-Laure Couchepin Vouilloz.

La Ville de Delémont maintient aussi deux fanzones mais financées par des privés, tout comme la commune vaudoise de Gland. La Ville de Vevey, elle, les a interdites totalement. Le dossier des fanzones dans l’espace public fait globalement moins débat dans les villes alémaniques. Zurich-Oerlikon et Berne en auront une. Celle de Berne est largement promue par le site Berne Welcome. aca