Près de 180 professionnels du tourisme et de l'hôtellerie ont pris part hier et mardi à la 3e édition du Montreux International Tourism Forum. Avec pour thème «Coopérations et Résolutions», il s'agissait d'échanger et de trouver des solutions aux défis auxquels la branche est actuellement confrontée. Les collaborations transfrontalières, la pénurie de personnel qualifié et la crise énergétiques en font partie. 


Galerie d'images de l'événement
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Défi des collaborations transfrontalières

Si tout le monde semble d’accord sur la nécessité de se fédérer, le passage à l’action reste ardu. «L’activité économique transfrontalière est importante mais le tourisme ne l’exploite pas beaucoup», constate Emmanuel Fragnière, professeur en design de service à la HES-SO Valais, coauteur d'une étude sur les collaborations autour du bassin lémanique. Un blocage psychologique fait notamment partie des freins identifiés. Mais pas uniquement. «La façon de travailler diffère beaucoup entre la France et la Suisse, avec une approche très ‹bottum up› en Suisse et centralisée en France.» Le professeur relève aussi un manque de coordination dans le «customer journey», du fait de destinations trop fragmentées.

La collaboration transfrontalière regorge pourtant de potentiel. A condition de trouver des pépites et des points communs. Vincent Delaître, directeur de l’Office du tourisme d’Evian-les-Bains, évoque le thème commun de la mobilité «pour faire rêver et acheminer» les visiteurs, ainsi qu'un projet de valorisation de l’eau, considérée comme un bien commun. L’exemple du projet œnotouristique transfrontalier Via Mosel, à cheval entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg, confirme à son tour qu’ensemble, on est plus fort. «Malgré les défis, la valeur ajoutée pour les régions prédomine, souligne sa coordinatrice Lia Backendorf. Nous avons trouvé des points communs, comme la randonnée ou les pistes cyclables, qui, mis ensemble, permettent de présenter une offre beaucoup plus attrayante, avec un caractère international séduisant pour les touristes.» Elle évoque ouvertement certaines difficultés, telles que la barrière de la langue, la pérennisation du financement ou la coordination des projets.

Selon Emmanuel Fragnière, la présence de personnalités fortes et entreprenantes est nécessaire pour «faire bouger les lignes». Et Lia Backendorf de renchérir: «S’il y a un vrai intérêt à collaborer, on trouve des solutions.»


Solutions au manque de personnel qualifié

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Personne n’a encore trouvé la solution miracle au problème de manque de personnel qualifié, mais de nombreuses pistes sont évoquées. Et ne demandent qu’à être testées. Pour Sonia Cid, directrice des ressources humaines à l’EHL, il faut «s’intéresser à des profils que l’on élimine souvent d’office», à savoir les outsiders et les seniors. Les premiers impliquent d’investir dans la formation, les seconds présentent l'avantage de l’expérience et du transfert de compétences. Elle estime également bénéfique de travailler sur la culture d’entreprise: «Il faut concevoir l’expérience de l’employé au même titre que l’on parle de l’expérience client.» Il s’agit de proposer un environnement de travail et des valeurs auxquels l’employé peut s’identifier. «La génération Z recherche du sens au travail, elle a besoin de cohérence, d’échanges et de pouvoir se développer.»

L'équilibre entre vie professionnelle et privée ainsi que la reconnaissance font également partie des enseignements d'une récente étude de la HES-SO Valais: «Les entreprises doivent repenser la manière dont elles organisent le travail et améliorer les conditions pour rester compétitives», conseille le professeur Roland Schegg, sur la base de l'étude. L'adaptation des salaires n'est pas l'unique piste: «Plus de week-ends planifiés, un contrôle des heures supplémentaires avec un système d’autoplanning par exemple ou la semaine de 4 jours figurent parmi les mesures à explorer.»

GastroSuisse indique travailler à améliorer les conditions de travail «autant que faire se peut», selon les termes de Gilles Meystre, président de GastroVaud. «Nous vivons un paradoxe: jamais la main d’œuvre n’a été aussi rare et les aspirants patrons aussi nombreux», poursuit-il. Pour y répondre, la faîtière a élaboré un plan d'action. La mise en place de formations courtes et modulaires, multilingues et si possible gratuites fait notamment partie du catalogue de mesures. Ceci afin de «soutenir le développement professionnel rapide des personnes motivées». Autre idée: «Nous voulons nous rapprocher des parents et nous appuyer sur des ambassadeurs pour valoriser nos métiers», indique encore Gilles Meystre.


Crise énergétique: pistes et mesures

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«La Suisse a dix ans de retard sur ses voisins en matière d'énergies renouvelables, expose Stéphane Genoud, professeur du management de l'énergie à la HES-SO Valais. On veut de l’énergie verte, mais pas chez nous.» Pour l’expert, tout indique que nous avons atteint les limites de notre système reposant sur le pétrole. Seule solution: la sobriété. «Les 4 R de la durabilité – réduire, remplacer, refuser, recycler – vont malheureusement à l’encontre du marketing touristique», reconnaît-il. Face à lui, deux voix de l’économie, celle des hôteliers avec Nicole Brändle Schlegel, membre de la direction d’HotellerieSuisse, et celle des domaines skiables avec Berno Stoffel, directeur des Remontées mécaniques suisses. Tous deux veulent absolument éviter que des fermetures soient imposées à la branche, déjà fortement impactée par la hausse des prix.

Ils prônent des mesures volontaires. HotellerieSuisse émet par exemple 64 conseils concrets à ses membres et les accompagne avec des webinaires. «Les hôteliers font leur devoir, relève Nicole Brändle Schlegel: 83% des établissements sont passés à l’éclairage LED; 63% des hôtels ont réduit la température de chauffage et un cinquième des hôtels ont limité les heures d’ouverture de wellness.» Les RMS ont quant à elles répertorié 91 mesures. Berno Stoffel insiste: «Nous ne voulons pas de discussions dogmatiques sur l’enneigement technique.» Ce catalogue va de l’adaptation du nombre de trajets de certaines installations à la réduction de l’éclairage en passant par la désactivation des sièges chauffants. Les entreprises définiront leur priorité grâce à un outil de simulation. «Notre but consiste à rendre les vacances d’hiver possibles», conclut-il.

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Laetitia Grandjean