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Sur le site de l'Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), la présence des grues rappelle la mutation majeure que s'apprête à vivre l'institution vaudoise. En construction depuis cinq mois, le nouveau campus de plus de 60 000 mètres carrés verra le jour en 2021, pour la coquette somme de 200 mil­lions de francs. Et pourtant ce n'est pas tellement sur ce chantier que l'on choisit de communiquer au moment de lancer les festivités liées aux 125 ans de l'école (lire encadré). Le projet qui occupe ses dirigeants se situe à un petit kilomètre de là, au Chalet-à-Gobet. Ces quelques maisons, pour la plupart vides et désaffectées, ont ac­cueilli par le passé une auberge, un moulin, une poste. Ce hameau se transformera d'ici à l'automne 2018 en village de l'innovation de l'EHL. Des start-up y seront hébergées.

Sortir du cadre académique et réfléchir à l'avenir
«L'école est associée depuis des années aux start-up et à l'entrepreneuriat. Ce village doit être un révélateur et un accélérateur. Une mini silicon valley, si vous voulez. Il y régnera un autre ADN, un style légèrement plus déjanté que ce que l'on fait ici, les étudiants pourront porter des jeans et des baskets», illustre Michel Rochat, directeur de l'EHL.

Au-delà du look des étu­diants, il s'agira donc de sortir du cadre académique. L'objectif consiste à donner un signal en faveur de la jeunesse, soutenir les idées qui pourront répondre aux exigences de l'industrie de l'hospitalité de demain. Il s'agira aussi d'enseigner, de débattre, d'échanger les compétences.

Une levée de fonds auprès de partenaires privés est en cours. L'objectif étant de réunir entre 1 et 3 millions de francs d'ici le mois d'octobre. Ce fonds devra se regénérer. Quant au montant à investir pour rafraîchir les lieux, il n'est pas dévoilé. Des dis­cussions sont en cours avec la Ville de Lausanne, propriétaire. «Nous visons une exploitation sur le long terme. Si nous demeurons locataires, nous parlons d'un bail d'une cinquantaine d'années», précise Michel Rochat.

Régénérer l'hôtellerie
L'EHL voit dans ce projet un moyen de se positionner dans un secteur en pleine mutation tout en défendant sa carte de leader.

«Il n'est plus acceptable que notre secteur soit régénéré par l'exté­rieur. Au cours des 10-15 dernières années, ceux qui ont disrupté le système, à l'image de CitizenM, Booking.com, ne venaient pas de la branche. Ce parc doit permettre de réfléchir à l'interne à des solutions d'avenir, de se trouver au cœur du changement de l'hôtellerie», soutient Rémi Walbaum, responsable de l'innovation et de la valorisation à l'EHL. «Reprendre la main sur des thématiques liées au digital ou au blockchain», complète Michel Rochat.

Les contours du futur village de l'innovation sont encore peu clairs. «L'endroit sera stimulant, mais cela ne signifie pas que l'on croisera que des hipsters», ironise Michel Rochat.

Les premières start-up qui s'y installeront sont les cinq actuellement présentes au sein de l'incubateur de l'EHL créé en 2012. «Je ne suis pas certain que beaucoup d'étu­diants soient au courant que nous hébergeons des start-up, remarque Michel Rochat. Ce village doit permettre de maté­rialiser cette vision, de générer un intérêt, de rapprocher les étudiants le plus possible du marché du travail.»

Le nombre de start-up ne constitue pas la priorité de la direction, qui souhaite avancer progressivement dans ce projet. «Une dizaine dans deux-trois ans, ose Rémi Walbaum, puis le projet grandira de manière exponentielle.» L'EHL pourra aussi inviter des candidats à venir s'établir dans son parc de l'innovation. «Nous voulons devenir un point de référence pour l'innovation dans le secteur de l'hospitalité,» poursuit Rémi Walbaum. Celui-ci s'est amusé à analyser les visites sur le site de l'EHL: 80% des groupes hôteliers de la planète y enver­raient au moins un dirigeant tous les ans. Il imagine créer un microcosme qui mette en relation des jeunes de l'EHL, des consultants, des instituts avec des enseignants, des ingénieurs de l'EPFL, des représentants d'écoles hôtelières de la planète. «Réunir créativité et économie sur un même site», résume-t-il.

Penser gaspillage alimentaire, empreinte écologique
L'auberge du Chalet-à-Gobet qui accueillait un restaurant et un petit hôtel restera ouverte au pu­blic. Toutefois ce n'est pas ici que l'on viendra expérimenter une offre futuriste, tient à préciser Rémi Walbaum: «L'innovation portera sur un spectre beaucoup plus large que 14 lits et un restaurant. L'hôtellerie n'a pas besoin de nous pour imaginer la chambre du future. Après 18 mois, elle est déjà obsolète.» Les thématiques à creuser sur ce site doivent privilégier une vision à long terme. Il cite le gaspillage alimentaire, la réduction de l'empreinte carbone, la manière dont l'hôtellerie peut sortir des jeunes de la pauvreté dans des pays en voie de développement.

Sur le campus de l'EHL, la devise «think out of the box» guide les choix de la direction. «Nous avons abattu les murs au rez, décloisonnant les espaces et privilégiant l'ouverture sur l'extérieur.» Michel Rochat parle de messages subliminaux. Le futur campus a lui aussi été imaginé selon ce critère d'ouverture. «Nous avons la chance d'être entouré de nature et de vivre pleinement les quatre saisons, s'émerveille le directeur. Moi, j'adore l'hiver.» Le printemps de l'EHL, c'est pour demain.