Depuis que Fribourg possède le plus long pont haubané de Suisse, la cité utilise ce nouvel édifice pour dynamiser son image. Une aubaine également pour l’office du tourisme qui a pu valoriser son slogan «Fribourg ville de ponts». C'est qu'il y en a des ponts qui enjambent la Sarine, jouant avec le symbole du Röstigraben. Du pont ultra­moderne de la Poya, nouvelle fierté fribourgeoise, aux ouvrages historiques en pierre, en passant par le pont de Zaehringen.

A quelques pas de la cathédrale, ce dernier offre une vue plon­geante sur le quartier pittoresque de l’Auge avec son joli pont couvert, ses ruelles, ses jardins cachés et ses tours médiévales. De l’autre côté, on aperçoit le clocher de la cathédrale qui surplombe le village coloré de l’artiste Hubert Audriaz et au loin, le nou­veau pont de la Poya. Rendu aux piétons il y a quatre ans, le pont de 
Zaehringen, véritable symbole fribourgeois, a tout pour ravir le touriste. Cet endroit photogénique est devenu résolument plus calme et propice à la flânerie, depuis que seuls les bus et les taxis ont le droit de le traverser. L’office du tourisme a d’ailleurs poursuivi ses efforts, en faisant poser l’an dernier sur le muret du pont historique, une exposition permanente composée de 14 tables panoramiques. Elles offrent des explications sur tous les ponts de la ville et sont accessibles en tout temps.

Mais voilà que depuis quelques semaines, ce pont défraie la chronique. Car il a subitement perdu tout son charme. Ce constat ne doit pas pour autant camoufler un sujet sensible. Le pont était malheureusement aussi l’endroit privilégié de personnes en détresse. Après avoir longtemps débattu et divisé ses élus, la Ville a finalement fait poser des grillages verticaux anti-suicides de 492 mètres de long, peu esthétiques. Cette barrière qui, soit dit en passant, condamne les panneaux explicatifs récemment posés par l’office du tourisme. Maigre consolation: il s’agit d’une solution provisoire, en attendant la pose de grillages horizontaux… entre 2021 et 2022. Durant trois ou quatre ans, les touristes devront donc se satisfaire de ce triste décor.

Si cette mesure était certes nécessaire, on regrette qu’au bout de plus de trois ans de débats, les autorités ne soient pas parvenues à échafauder une solution globale satisfaisante sur l’avenir urbanistique du pont. Des pistes intéressantes émanent pourtant de la société civile. On pense au projet du collectif fribourgeois Zaehringarten qui propose de végétaliser le pont, afin de le transformer en un lieu de vie et de rencontre, comme, toute proportion gardée, la High Line à New York ou la coulée verte à Paris. Un tel projet, s’il est bien réalisé, pourrait même se muer en attraction touristique unique en Suisse. Et participerait du même coup à la carte de visite de Fribourg, ville de ponts.

Gageons que ces grillages de secours ne soient pas un frein à l’élaboration d’une solution qui tienne compte des enjeux touristiques. 
Aux autorités fribourgeoises de faire preuve de vision et de surprendre ­agréablement ses visiteurs.