Ce qui frappe en arrivant en France, en Provence, près d’Orange, au Château Mont-Redon, ce sont ses vastes étendues de gros galets roulés et leur ferveur blanche et ocre qui se mêlent à deux mètres de profondeur à de la matière sableuse. Ce terroir du plateau a une forte capacité drainante pour trouver en sous-sol de fines couches d’argile superposées dans lesquelles la pointe des racines des vignes du siècle dernier vient puiser l’eau qui lui est nécessaire. Une taille douce et respectueuse des flux de sève reste pratiquée tout comme un désherbage manuel autour de chaque pied.

Son encépagement se compose de 65% de Grenache noir, de 31% de Syrah et de 6% de Mourvèdre. Voilà l'un des plus anciens domaines de Châteauneuf-du-Pape, qui vient de fêter ses 100 ans. Dès 1923, avec ses 2,5 hectares originels, il fait partie de ceux qui ont reconstruit le paysage viticole d’un territoire qui va devenir la plus célèbre appellation des côtes du Rhône méridionales connue dans le monde entier.

On a voulu augmenter le bois et baisser le toast. Au chai, on aime des vinifications peu interventionnistes.
Pierre Fabre, Concepteur des vins et directeur de Château Mont-Redon

Evidemment, on ne peut pas résumer la Provence aux vins rosés. Le Château Mont-Redon, situé au nord-ouest de l’appellation, sort essentiellement un grand vin Le Châteauneuf-du- Pape rouge et une cuvée parcellaire Le Plateau. Sur chaque millésime, une partie de la production part en vrac, 15% en 2017 et 50% en 2014. Pierre Fabre s’occupe de la conception des vins depuis 2008, il privilégie des élevages souples en cuves et en pièces bourguignonnes: «On a voulu augmenter le bois et baisser le toast. Au chai, on veut des vinifications peu interventionnistes mais précises.»Lors des vendanges manuelles, un premier tri reste effectué dans les vignes et un second tri sur table optique. Pierre Fabre a repris la direction en 2017. [RELATED]

La beauté et la mise en scène des fûts impressionnent
La propriété dispose de 186 hectares, dont 100 hectares de vignes d’un seul tenant, à 60% sur des terroirs de galets roulés, mais aussi du sable, qui convient parfaitement à la Syrah, et des calcaires urgoniens. Ce qui en fait le plus grand domaine de l’appellation, distribué dans 60 pays et très apprécié notamment aux Etats-Unis et en Suède, où il fut plusieurs fois servi pour le banquet des prix Nobel. Un domaine cultivé en agriculture raisonnée.

Un domaine distribué dans 60 pays et notamment très apprécié aux Etat-Unis et en Suède.

La cousine de Pierre Fabre, Aurélie Abeille, veille sur les aspects de communication et marketing; ils représentent ensemble la quatrième génération propriétaire, les Abeille-Fabre. La beauté et la mise en scène des fûts impressionnent au milieu de colonnes en hommage au nombre d'or et d’éclairages millimétrés: «Nous ne disposons pas des moyens du Bordelais, mais nous tenons à une certaine esthétique», précise Pierre Fabre. L’efficacité et la modernité du quai de déchargement inspiré par Opus One, en Californie, donne le tournis.

Vu l’importance des volumes, la qualité, la pureté du produit surprend. Un vigneron voisin et concurrent commente ainsi: «Le secret réside dans leurs terroirs vraiment exceptionnels sur notre appellation.»

Pour célébrer le centenaire du domaine, le méticuleux et généreux Pierre Fabre tenait à présenter une série importante de vieux millésimes. Afin d'honorer la mémoire et de laisser entrevoir les jalons de ce que pourrait devenir les vins des 100 prochaines années.


Dégustation

Mont-Redon 2020
Des parfums de griottes envoûtants, une amertume franche. Une bonne façon de se familiariser avec cet assemblage à dominante de Grenache, accompagné de Mourvèdre et de Syrah.

Mont-Redon 2007
Des arômes de cannelle, d’anis étoilé puis une bouche de mûre. Il vole en bouche comme un léger drapé, envie de l’accorder avec un céleri entier longtemps revenu à la broche.

Mont-Redon
1990 Emmène entre la terre et le fruit pour ce millésime chaud. Des arômes de framboise, de cassis et d’épices, une fin de bouche un peu courte.

Mont-Redon
1989 Une année sèche. Parfum de cassis, lenteur, un côté monolithique, une fin de bouche rappelant le côté confit de l’ail noir.

Mont-Redon
1972 Un vin plus sauvage, avec des notes cacaotées et fumées, il demande une approche tranquille, contemplative.

Mont-Redon
1971 Pour Pierre Fabre se situe dans les trois plus grands millésimes qu’il a dégustés, il ne donnera pas les autres. Une entrée de bouche d’amaretto, puis tout de suite la dimension de rose, un côté eucalyptus, girofle.

Mont-Redon
1961 Une bouche ample de truffes, des parfums de bitter, de chinotto, un côté mentholé et une belle minéralité.

Mont-Redon
1957 Une entrée de bouche très végétale. Pour Pierre Fabre, «la quintessence des vieux Grenaches». Belle longueur en bouche, un côté droit, délicat.

Plateau de Mont-Redon 2017
Le meilleur des vieilles vignes du plateau de Mont-Redon, produit lors des grands millésimes uniquement, une démarche de Pierre Fabre débutée en 2016, inspirée par les Gran Reserva, en Espagne. Cela donne des vins avec plus de matière, d’amertume. Une bouche de griottes et de rhubarbe. Encore un peu trop marqué par un élevage en fûts neufs. Mais on comprend la démarche, le relief du vin, sa légèreté.

Alexandre Caldara