Une soirée placée sous le signe de l'écoute. Celle des notes aromatiques pour Philippe Audonnet, chef du Restaurant Windows. Celle de la voix de Yann Fergeau, sommelier, acheteur prin­cipal F&B, de l'Ecole hôtelière de Lausanne et ambassadeur d'un noble breuvage. L'Hôtel d'Angleterre, cinq étoiles genevois qui ­célèbre ses 140 ans acueillait la ­semaine dernière un autre hôte de prestige: Ruinart, plus ancienne maison de Champagne, née en 1729.

Pour cette première soirée thématique «bulles & saveurs», Philippe Audonnet a confronté sa cuisine, qu'il qualifie d'osée, aux saveurs complexes du champa­gne. «Des mélanges qui sortent de l'ordinaire» pour suivre blanc de blancs et rosés, dont deux cuvées millésimées, toutes servies en magnum, pour proposer la meilleure qualité.

De la bergamote confite en croûte sur la Saint-Jacques

Si les produits respirent le classicisme, la noix de Saint-Jacques «reste le meilleur ami du Chardonnay, cépage fil d'or de ces champagnes délicats et élégants», selon Yann Fergeau. A sa manière, le cuisinier relit les notes de dégustation du chef de cave Frédéric Panaïotis. Il choisit d'accompagner les arômes d'un Dom Ruinart 1998 Blanc de blancs, de les souligner, pas de partir dans la rupture. Apparait la bergamote qu'il apprête confite en croûte sur la Saint-Jacques, le côté «biscuit noix de coco» devient lait au pain viennois grillé. Il ponctue le tout d'une mousseline de cerfeuil tubéreux à la noisette. Philippe Audonnet aime particulièrement utiliser la saveur du thé, «la subtilité de ce qui en ressort» combinée aux aliments. Comme premier plat pour s'accorder avec un Blanc de blancs aux notes de tilleul, il prépare un carpaccio de bar mariné à l'huile de thé des moines. Il trouve dans ce thé des composantes de rose, de jasmin, de lotus et quelquelque chose de légèrement vanillé. Dans d'autres occasions, il couple le saumon avec un thé balade irlandaise qui lui rappelle le goût de la liqueur Baileys, il prépare aussi un beurre de thé. On lui parle d'influences orientales, il revendique son goût de la cuisine méditerranéenne acquis, à l'Hôtel Eden Roc, au Cap d'Antibes. Avant d'évoquer la saveur indienne du genièvre torréfié, qu'il trouve chez Lyzamir, petite caverne d'Ali Baba d'épices. Il signe des assiettes plus épurées que lors de ses débuts, aves des traits pleins et déliés. On remarque dans son menu du soir, la ­netteté de la trace verte du cer­feuil et le pointillé méticuleux qui ­guide les nervures du bar. Dans sa jeunesse, il aimait dessiner et habitait Angoulême, lieu sacré de la bande dessinée, on le destinait aux ­Beaux-Arts, lui farouchement voulait cuisiner pour réinventer les fumets anciens échappés des livres de sa grand-mère. Aujourd'hui lorsqu'il choisit sa vaisselle, il pense au plat qui y prendra place. «Peu importe sa couleur, la décoration c'est moi.»

Un suprême de volaille mariné au yogourt d'eau de rose

Mais revenons au champagne. Catherine Gasparini, sommelière de l'Hôtel d'Angleterre, ne fait ­«aucune distinction entre un vin tranquille et un vin effervescent, le jeu des beaux accords reste le même.» Pour accompagner le Dom Ruinart rosé 1996, le chef opte pour un suprême de volaille mariné au yogourt d'eau de rose. Yogourt qu'il utilise aussi pour assouplir un plat de chasse très fort, une demi grouse d'Ecosse. Et dans ce cas, il le macère au whisky Lagavulin. La soirée se termine par une nouvelle liberté d'interprétation cette fois laissée aux hôtes avec un coffret de senteurs qui renvoient aux arômes de la coupe. «Ma cuisine osée est composée de mélanges qui sortent de ­l'ordinaire.»