Vous vous demandez comment un ingénieur, entrepreneur immobilier, passionné de peinture et de musique peut recevoir le Milestone Prix du tourisme Suisse… S’il accueille cette récompense avec fierté et une émotion lacrymale Léonard Gianadda, 80 ans, ne se pose pas tellement la question des genres: «Le premier point des statuts de notre fondation précisait que nous voulions contribuer à l’essor culturel et touristique de Martigny, il y a 39 ans on pensait déjà ainsi. Pour moi cela participe d’une même philosophie.»

Plus anecdotique, mais essentiel, il rencontre son épouse Annette en 1957, à la réception de l'Office du tourisme de Lausanne, où il venait déposer ses portraits de Georges Simenon dans la ville, reportage qu'il avait obtenu audacieusement sur un simple coup de téléphone au Lausanne Palace. La principale valeur que doit défendre le monde du tourisme est l’accueil, Léonard Gianadda le répète volontiers, avant de nuancer avec lucidité et humour: «Même si à titre personnel, je ne suis pas toujours un exemple.» Par contre il se réjouit que son fidèle personnel propose toujours l’alternative du verre de robinet à l’eau minérale, se félicite d’installer des panneaux qui invitent les visiteurs à marcher sur les pelouses, aiment que les gens s’assoupissent sur les bancs dans cet invraisemblable parc de sculptures: son talisman.

Il raconte les années ou le commissaire de ­police faisait du zèle et où la Fondation payait les amendes: «On ne peut pas laisser nos visiteurs sur ce souvenir-là.» Surtout dans un lieu qui comprend un musée de l’automobile. A la Fondation, il surveille tout, s'il voit un papier traîner depuis la galerie, il ordonnne qu'on le ramasse. Le grand voyageur et photographe ouvert à tous les vents dans sa jeunesse, dont cet épique tour de la Méditérannée en voiture avec son frère Pierre, chérit aussi la rigueur et la propreté hélvetique.

Léonard Gianadda défend aussi ses autres projets: son musée des chiens du Saint-Bernard, la fondation sociale portant le nom de feu son épouse Annette, qui se préoccupe des personnes âgées et des enfants. Il prévoit aussi l'avenir financier de ses fondations, il construit en ce moment Les Colombes, un troisième immeuble dont les revenus reviendront à ses projets culturels et sociaux. Par contre, un flou subsiste quant à sa succession à la tête de la Fondation Pierre Gianadda.

«Je ne me suis jamais versé un seul salaire»
Le bureau de Léonard Gianadda à la fondation Pierre Gianadda vous pouvez le chercher longtemps. Il arrive avec un léger retard, il a prévenu, mais pour lui les chantiers restent la priorité. Il se vit comme un constructeur et voit l’art presque comme un hobby: «Ici je ne me suis jamais versé un seul salaire». Même si la Fondation a accueilli près de 10 millions de visiteurs depuis son ouverture, que son budget publicitaire représente plus d’un demi-million par année et qu’elle compte dans son conseil de fondation des membres aussi prestigieux que Jean Clair, ancien directeur du musée Picasso. Et surtout un générique de 200 expositions déroutantes rien que par ces noms qui font œuvre notamment: Giacometti, Schiele, Lautrec, Modigliani, Claudel, Chagall, Manet, Miró, Gauguin, Van Gogh.

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