Réouverts depuis près d’un mois, les musées peuvent enfin de nouveau accueillir les visiteurs avides de culture. Cette parenthèse obligée de plusieurs semaines aura permis de mesurer non seulement l’importance de ces institutions pour la vie intellectuelle et artistique de tout un chacun, mais également de rappeler que les musées sont au cœur de l’offre culturelle d’une destination et de souligner, à ce titre, la place qu’ils occupent dans le tissu économique culturel d’une ville ou d’une région.

L’un des exemples les plus emblématiques en Romandie est la Fondation Pierre Gianadda qui, avec sa collection permanente et ses expositions temporaires, mais aussi son parc de sculptures, sans doute l’un des plus beaux d’Europe, a posé «Martigny sur la carte européenne des lieux incontournables de l’art», ainsi que le rappelle Fabian Claivaz, directeur de l’Office du tourisme de Martigny.

L’absence forcée des touristes étrangers depuis plus d’un an a donné aux musées l’occasion d’entamer une réflexion sur les liens qui les unissent à leurs territoires et aux populations locales. Avec des conséquences sur leurs stratégies de promotion et de communication futures. [IMG 2]

Des stratégies plus sélectives de la part des visiteurs
«Nous ne verrons plus les tour-opérateurs avant un certain temps. Nous avions déjà commencé à cibler nos offres sur le tourisme suisse et nous allons continuer dans cette approche», affirme Béatrice de Reyniès, directrice du Chaplin’s World, près de Vevey. Si elle se dit confiante pour l’avenir, Béatrice de Reyniès s’attend néanmoins à un changement de comportement des visiteurs. «Je pense qu’il y aura une construction de programmes personnels plus sélective, due à la volonté de réduire les déplacements», prévient-elle.

De son côté, l’Etat de Vaud prévoit en novembre, à côté du Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) inauguré en octobre 2018, l’ouverture d’un second bâtiment sur le site Plateforme 10. Dessiné par un bureau d’architectes lisboètes de renom, il abritera le Musée du design (Mudac) et celui de l’Elysée, dédié à la photographie. Avec ce nouvel ensemble culturel et architectural, le MCBA se positionne comme «un pôle d’attractivité unique en Suisse», dit Bernard Fibicher, directeur du musée. «On aura une billetterie commune, une promotion commune, avec une belle carte à jouer en compagnie des acteurs locaux et de l’office du tourisme».

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Un nouveau pôle d'attractivité unique en Suisse
Les experts en conviennent, dans cette période marquée par la crise économique et sanitaire, les musées seront nécessairement amenés à coopérer davantage encore avec les prestataires touristiques régionaux – ce qui n’est en rien contradictoire avec la recherche d’un rayonnement dépassant les frontières. «Ces nouveaux bâtiments spectaculaires constituent un atout fantastique, qui vient compléter l’offre muséale lausannoise déjà très riche. Nous avons un potentiel incroyable pour attirer les touristes dès qu’ils pourront revenir», souligne Bernard Fibicher.

Les mondes du tourisme et de la culture, intrinsèquement entremêlés, ont été touchés de plein fouet par la pandémie. Si elle n’a pas remis en cause les modèles économiques, loin s’en faut, elle aura eu le mérite de recentrer les choses sur l’essentiel. L’expérience vécue dans ces lieux de culture, au même titre que l’expérience client dans un hôtel ou un restaurant, reste irremplaçable.


«La proximité directe avec les œuvres»

[IMG 4]Fondation Gianadda, Martigny Au cours de ces dernières décennies, nous avons connu des périodes extrêmement fastes, notamment en lien avec l’augmentation des loisirs ou la propension du public à voyager toujours davantage. L’offre culturelle s’est étoffée et la concurrence est devenue beaucoup plus vive. Les nouvelles technologies permettent depuis longtemps d’approcher des œuvres anciennes ou d’entendre de la musique dans des conditions acoustiques sans doute supérieures à celles que nous pouvons offrir dans un espace dédié. Elles ne remplacent pas la proximité directe avec l’œuvre, ce que privilégient encore les mélomanes ou les amateurs d’art.
gianadda.ch


«Nous cherchons avant tout des émotions»

Chaplin’s World, Vevey Il faut que les visiteurs prennent leur billet, qu’ils entrent au musée et vivent une expérience concrète. Que l’on soit seul ou que l’on partage ses émotions avec d’autres, rien ne remplace une vraie visite dans un musée. C’est avant tout une rencontre entre une œuvre, un objet et nous-mêmes. Le virtuel nous a permis de rester en contact avec notre public pendant la fermeture du musée, mais c’est juste un moyen de communication qui ne remplacera jamais l’expérience vécue. C’est comme écouter une œuvre en streaming ou aller au concert. Ça va de 1 à 100. Dans un monde post-Covid, nous aurons encore plus besoin de vivre des choses incarnées et des expériences. Elles nous ont manqué et nous manquent encore.[IMG 5]
chaplinsworld.com

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