Alors que l'on ne parleque de la valeur dufranc suisse, pourquoine pas s'intéresser aupotentiel des crypto-monnaies etde la plus connue, le bitcoin (voirencadré) sur le marché de l'hospitalitéen Suisse? Dans la branchedu tourisme, le marché devraits'ouvrir progressivement par couches,en commençant par lesagences de voyages en ligne(OTA), puis les restaurants, enfinles hôtels, estiment les spécialistesconsultés. Evidemment, on parled'un marché mondial très jeune,moins de sept ans, les connaissancessur le sujet restent nébuleuses.Dans notre pays, seuls deux hôtelsle Régina, à Lausanne, et le Gotthard,à Brugg, l'acceptent, toutcomme une vingtaine de restaurantset une agence de voyages enligne (OTA). «Cela reste extrêmementmarginal dans le domainede l'hospitality managementmondial», prévient d'emblée HoratiuTudori, professeur de revenuemanagement à l'Ecole hôtelièrede Lausanne (EHL). AlexisRoussel, CEO de Sbex, une desdeux agences de change entrebitcoinset francs suisses, reconnuepar les autorités financières,voit les choses différemment: «Lespremières solutions pour le commercedans cette branche sontdéjà utilisées par la compagnieaérienne Air Baltik, par Expediaaux Etats-Unis, ainsi que plus largementpar Microsoft et Dell surcertains achats.» Il souligne aussile dynamisme de la recherche:«La moitié des start-ups qui secréent dans la finance mondialeaujourd'hui ont la crypto-monnaiedans leur viseur.»

«Nous ne voulons pas attendreque les autres s'y mettent»
Horatiu Tudori comprend toutde même l'intérêt des agences devoyages en ligne: «Cela pourraitleur permettre de contrôler et réduirele taux detransaction avecles sociétés émettantdes cartes decrédit. Mais on voitencore que toutn'est pas au pointet que ce marchéreste très sophistiqué:car Expedia etCheaper ne le fontqu'aux USA et cedernier n'encaissepas le prix en bitcoin,si l'hôtel refusela transaction.» On parleaujourd'hui de 2,5à 3%, contre 1 centimepour unetransaction avec le bitcoin. StéphanePerino, qui vient de lancerIntobloo.com en décembre, lapremière OTA indépendante etentièrement suisse, a voulu permettreà ses clients six méthodesde paiements, de la Postcard aubitcoin: «Nous voulons leur laisserune liberté de choix total. Pourl'instant, nous avons enregistréune seule commande avec du bitcoin,mais nous n'allons pas attendreque les autres s'y mettent,nous voulons être des précurseurs,et le fait que l'UBS regardece marché avec intérêt donne unsigne. Qui aurait pû prévoir le développementmassif d'internet, ily a vingt ans...»

Directeur de l'Hôtel Régina, MichelBagnoud accepte le bitcoindepuis l'été passé. Il affiche soncours sur le site internet de sonhôtel et va même jusqu'à envoyerun message au site américain Revpargurupour intégrer une liste dedouze hôtels proposant le bitcoindans le monde. Pourtant, le directeurdu trois étoiles au centre-villede Lausanne avoue que «c'est unami qui travaille là-dedans, il habiteen Espagne, il a organisé cetété la technologie pour moi. Ouic'est intéressant de figurer surune liste de pionniers.» Mais pourl'instantcela n'a pas d'incidencecommerciale: «Je totalise une nuitéepour deux personnes régléeavec du bitcoin»,sourit-il. «Mais onne sait jamais, àterme cela peuttoujours attirerune petite clientèle.» Par contre, ils'oppose à l'installationd'un distributeurde bitcoinsdans son hôtel:«On me l'a proposé,mais je ne veuxpas de distributeurd'argent dans monhôtel, cela pourraitéveiller la curiositéde cambrioleurs.»A l'inverse AlexisRoussel qui a déjàinstallé deux distributeurs de bitcoinsen Suisse romande estimequ'il s'agit d'une évolution importantepour la monnaie: «Ilsfacilitentles transferts d'argent etpermettent de nombreuses fonctions.»

«Une monnaie internationalesans cours de change»
Horatiu Tudori ne pense pasqu'un hôtelier prenne un risqueen acceptant lebitcoin: «A conditionde transformeren permanencela monnaiedans celle du payset de tenir unecomptabilité clairede ses transactions.Il remarquetout de même que«deux hôtels dela liste se situentà Las Vegas, uneville propice àl'économie grise.»Et rappelle que lemétier d'hôtelierconsiste d'abord àacueillir des personnes,pas à établir des montagesfinanciers.

Pour Alexis Roussel, l'industriede l'accueil se concentre sur uneclientèle qui voyage beaucoup.«Cette monnaie internationalepeut passer d'un pays à l'autre sanscours de change.» Pour lui des sociétéscomme Airbnb ou les taxisUber font un pas dans ce sens enpermettant de créer un compteavec une carte de crédit, puis endébitant ensuitedirectementl'achat du compte.Horatiu Tudoripense que le bitcoinpeut fonctionnerdans unerelation «peer topeer», commeAirbnb, même sicela peut poser desquestions légales.Pour l'instant seulle groupe canadienSandman autorisele bitcoin danstous ses établissements.Pour HoratiuTudori celapeut être intéressantà l'échelle d'un groupe«puisque l'économie des frais detransactions se ferait sur un grandvolume, notamment pour desgroupes propriétés de fonds d'investissementsinstitutionnels déjàactifs sur les marchés financiers.»

Alexis Roussel pense que le systèmedes cartes de fidélité desgroupes hôteliers pourrait clairementtrouver des avantages aveccette monnaie privée.