L'Hôtel des Allées donnant sur le port de Cannes, avec ses dix chambres, peut être exploité à deux. Annelies et Fritz Wälti n’ont aucun employé. Outre le petit-déjeuner, aucun repas n’est servi à l’hôtel. C’est d’ailleurs par hasard que les Wälti ont ­trouvé cet établissement: il y a 16 ans, lors d’un voyage au sud de la France, raconte Fritz Wälti. Et cela n’a pas marché du premier coup: avant d’acquérir «Les Al­lées», ils ont dirigé un autre hôtel en gérance.

C’est grâce au système habituel du «fonds de commerce» en vi­gueur en France que les Wälti ont pu s’offrir cette adresse en plein centre de Cannes, en zone piétonnière. Ce qui signifie qu’ils ont acquis la surface utile à l’exploitation de l’hôtel, mais ni les murs, ni le toit ni même la superficie sur laquelle se trouve l’immeuble. «Pour la maison, nous aurions encore dû payer un million de francs suisses en sus. Pour ce «fonds de commerce», les Wälti paient à la propriétaire des murs des intérêts dont le taux est automatiquement adapté à l’index annuel de l’Etat français. L’aménagement intéri­eur, la clientèle et le chiffre d’affaires influent sur la valeur du fonds de commerce. Et parce que les Wälti ont entre-temps rénové toutes les chambres, la valeur a doublé. «En France, on n'a pas besoin d’un capital de base aussi impor­tant qu’en Suisse pour acquérir un hôtel. D’ailleurs en Suisse, relève Fritz Wälti, le financement étant difficile à rassembler, je n’aurais jamais pu me permettre d’acheter un établissement.»

De l’hôtel de passe au 3 étoiles

Quand Fritz et Annelies Wälti ont acheté l’établissement il y a 15 ans, il s’agissait d’un établissement 2 étoiles – mais aussi un hôtel de passe. «C’était le cas de tous les hôtels de la zone portuaire», expliquent les Wälti. Les clients payant cash, ils apportaient des recettes supplémentaires bien­venues hors fisc aux hôteliers. Les Wälti ayant rénové toutes les chambres, exit l’hôtel de passe. Et ça a payé: l’Hôtel des Allées a ga­gné il y a deux ans sa troisième étoile. En France, comme c’est le cas en Suisse, la classification des hôtels est revue régulièrement par une entreprise privée dont les experts sont formés par l’Etat. Coût: environ 600 euros. La France n’est pas membre d’«Hotelstars Union» et, pourtant, «les critères de classification me semblent proches de ceux qui prévalent en Suisse», commente Fritz Wälti. Mais il y a déjà bien quelques années que son Hôtel Linde a été classé trois étoiles à Stettlen (BE). La France aussi renforce ses critères écologiques. «Vous êtes fou», lui a dit l’expert, quand il a vu comment Fritz Wälti avait mis en œuvre son approche de l’environnement dans son hôtel. Depuis juillet 2012, la loi française exige un renforcement de la protection contre les incendies. «Une mesure qui va conduire de nombreux petits hôtels à la ruine. Pour lui, ces nouvelles exigences veulent dire un détecteur contre les incendies et des portes coupe-feu pour toutes les chambres, soit entre 4000 et 5000 euros par chambre. Sa situation centrale, près du Palais des festivals et des congrès de Cannes, apporte à l’hôtel une clientèle d’affaires lucrative, représentant près de 50 pour cent de son chiffre d’affaires. Outre les vacanciers, des professeurs d’une école autrichienne de Cannes logent aussi à l’Hôtel des Allées. L'hôtel jouit d’un taux d’occupation moyen d’environ 63%. «Pendant la fermeture annuelle, en novembre et ­décembre, nous rénovons si be­soin est. Nos clients proviennent à 70% de pays où l’on parle alle­mand, en particulier de Suisse et d’Autriche.

Ouverture d'esprit et sociabilité des Français appréciées

Et les Wälti accueillent de plus en plus de vacanciers russes. «Ils remplacent les Italiens qui, en raison de la crise, sont hors course.» L’Hôtel des Allées est présent

sur diverses plate-formes de réser­vation en ligne et bénéficie de bonnes critiques. Les Wälti ont envie de rester à Cannes. Qui s’en étonnerait? Pendant que les Bernois se les gèlent dans le brouillard de novembre, les Cannois ­sirotent leur pastis dans leurs ­jardins ensoleillés. Et les Wälti apprécient l'ouverture d'esprit et la sociabilité des Français.

Bien que Suisses, les hôteliers ont été immédiatement acceptés à Cannes. «Nous avons de bons ­voisins et de bons amis hôteliers. Ici, personne ne se soucie de ce que vous faites», dit Fritz Wälti. «Cependant, on s’inquiète si pendant trois jours je n’apparais pas à l’apéro.»