On dit que les plantes grandissent mieux si on leur porte un peu d’attention. Eh bien, mon âme aussi! Quel est l’impact de l’IA sur ma croissance spirituelle? A l’heure où elle me pousse du faire au faire faire, je trouve que la question mérite d’être posée le temps d’une chronique. Vous l’aurez compris: je me penche à présent sur la dimension éthique de ces technologies.
Pour commencer, je me rappelle le livre «Comment faire pour bien faire?» d’Eric Fuchs, que j’ai eu à l’époque le plaisir de lire durant ma formation en activité pastorale. J’aime bien les choses simples et les domaines entiers résumés en un schéma ou en une phrase. En l’occurrence, la finalité de toute réflexion éthique: la capacité de prendre une décision juste.
Qu’en est-il avec le basculement de ma vie vers ce faire faire? Au prix de nombreuses nuits sans sommeil, j’ai vite compris qu’avec l’IA, la question de Fuchs appelle l’ajout d’un mot: comment faire pour bien faire faire? En effet, je me la posais sans cesse depuis l’arrivée de ChatGPT en novembre 2022. J’ai passé deux années et demie à m’entraîner et à partager dans ce bien faire faire. Dans mes cours, lors de mes conseils et durant mes formations dispensées en entreprise.
L’IA n’est pas une fin en soi. La finalité est que mon âme grandisse aussi
Et mon âme durant tout ce temps? Elle n’a malheureusement que peu grandi comparée à l’ampleur de ces nouvelles compétences acquises. L’IA a, au contraire, totalement absorbé mon attention, et je me suis passionné pour la manière de bien l’utiliser. Mais depuis que Johann Hari m’a appris, dans son ouvrage intitulé «On vous vole votre attention», qu’il y a une intention commerciale derrière de telles absorptions d’attention, je me suis dit qu’il y avait probablement un bug dans les homélies de l’IA.
Après une matinée à réfléchir sans ordinateur ni portable sous un avant-toit de la station aval d’un téléski démantelé, un merle m’a sifflé une piste: il ne suffit pas de rajouter un faire à la phrase de Fuchs sur l’éthique. Encore faut-il déplacer le «bien»: comment faire pour faire faire le bien? Car utiliser l’IA n’est pas une fin en soi. La finalité est que mon âme grandisse aussi, puisque je la définis comme la somme de tout le bien que je fais durant ma vie. Ainsi, les béquilles que l’IA propose à mon esprit doivent être orientées vers la croissance de mon âme.
Ce constat m’a ouvert les yeux et m’a aussitôt apporté la sérénité intellectuelle tant attendue depuis des mois: ce qui compte avec l’IA, c’est le bien qu’elle me permet de faire. Cette missive me sert désormais à passer au filtre les psaumes chantés à tour de rôle sur les capacités de plus en plus instantanées et révolutionnaires de l’IA générative: est-ce que la nouvelle faculté qui m’est proposée représente une valeur pour l’autre? Est-ce qu’elle résout ses peines? Est-ce qu’elle augmente son bonheur? Et comment fait-elle pour faire ce bien que je cherche à faire? Posez-vous ces questions quand on vous vend une révolution IA pour votre établissement. Vous verrez qu’une seule intelligence fera probablement l’affaire pour faire faire le bien: la vôtre. Le reste n’est qu’augmentation et application.
Expert en tourisme, Thomas Steiner est CEO d’Immotour Sàrl, professeur à la HES-SO Valais-Wallis et membre du comité de Suisse Tourisme.
