Ce «passage à l'intelligence artificielle (IA) avec ChatGPT» avait été annoncé le 29 juin 2023 par General Media SA, éditeur multimédia actif depuis bientôt 25 ans dans le secteur loisirs, gastronomie et culture: depuis cet été, sa nouvelle filiale EDSI-Tech fournit en effet les premiers chatbots de conseil à trois régions touristiques, Jura & Trois Lacs, Alpes vaudoises et Montreux Riviera Tourisme. Avec quels résultats? Après seulement trois mois, il semble encore trop tôt pour dresser un bilan. Mais les principaux concernés signalent déjà du positif et surtout de nouveaux développements en cours.

ChatGPT a conseillé la visite d'une exposition humoristique.
Jérôme Longaretti, Directeur de la structure touristique Jura & Trois-Lacs

C'est notamment ce dont témoigne Jérôme Longaretti, directeur de l'Office régional de tourisme Jura & Trois-Lacs: «Nous avons commencé à l'expérimenter tout récemment, depuis le 28 juin 2023. On l'a ajouté à notre site Internet avec plusieurs objectifs. Je dois d'abord dire que notre site est unique en Suisse romande, puisqu'il regroupe les destinations du Jura, de Neuchâtel, de Bienne, du Grand Chasseral, du lac de Morat, de la Broye et du Nord vaudois... Nous devons coordonner une vaste région. Le premier objectif est de renseigner le client et de lui faciliter les choses afin qu'il trouve la bonne information parmi la masse de documents et les milliers de pages de notre site, en plus des questions et réponses les plus fréquentes lui permettant d'arriver sur les bonnes pages.»

Un aiguillage... et plus encore
Même si Jérôme Longaretti nuance en parlant de seulement trois mois d'expérimentation, le premier constat est pour lui plutôt favorable. Notamment pour la saison d'été, toujours très chargée en demandes d'information et de réservations: «Les chatbots ont permis de réduire le nombre de coups de téléphone reçus à l'office du tourisme», surtout pour des demandes assez simples, qui sont ainsi mieux aiguillées et canalisées. Pour les demandes plus complexes, l'expérience en général montre que les clients se déplacent et se rendent toujours en personne à l'office.

Mais le directeur se dit «impressionné» par la vitesse d'apprentissage de tels outils. Il mentionne ainsi un cas pour lequel ChatGPT a répondu à une demande très particulière de séjour sportif, assez compliquée et combinant plusieurs lieux et prestations, sur Bienne et le Jura: «Il a proposé un programme complet.» Autre bonne surprise: «Un client a demandé au chatbot de lui faire une bonne blague. Sa blague ne l'a pas fait rire, ChatGPT s'en est excusé en expliquant qu'il n'était pas programmé pour avoir de l'humour. Mais il a aussi conseillé au visiteur une exposition à caractère humoristique à Delémont.»

Certaines limites peuvent encore s'avérer frustrantes pour les usagers: «Parfois, le chatbot répond dans une autre langue.» Il reste quelques réglages et perfectionnements à apporter. Pas de risque que l'IA remplace des employés? «Nous n'avons prévu aucun licenciement», s'empresse de répondre Jérôme Longaretti, qui assure que le contact de personne à personne représente toujours la meilleure garantie de qualité des services.

Pour l'instant, le chatbot a été programmé pour ne s'alimenter que des informations et des données présentes sur le site. Il est toutefois prévu d'étendre bientôt la compilation d'informations sur d'autres sites régionaux.

Rédaction et traduction
Autre évolution prévue: recourir à ChatGPT pour rédiger des textes promotionnels simples. Dans les grandes lignes, l'expérience et les perspectives sont à peu près similaires chez la société coopérative Alpes vaudoises, basée à Aigle.

Le responsable de projet Benoît Golay apporte une touche encore plus nuancée en expliquant que toutes les conversations enregistrées avec l'assistant virtuel seront analysées courant septembre, avant de passer aux prochaines étapes – dont la rédaction de courts textes promotionnels et une application plus systématique pour les traductions, «qui seront toujours relues par des vrais traducteurs», précise le responsable. Là aussi, pas question que l'IA remplace de A à Z le travail humain, gage de qualité. Mais ces premières intégrations de chatbots comme complément de services, faciles à opérer et peu coûteux dans une phase initiale, sont déjà le signe d'une future tendance à la généralisation et montée en puissance.

Ce type d'installation sur le site d'un office de tourisme est assez simple à effectuer, résume Benoît Golay. «Elle ne coûte que quelques milliers de francs» et permet aux usagers d'obtenir des descriptions ou des réponses de base à des questions assez simples. A force d'apprentissage et de réglages appropriés, ces chatbots pourront bientôt assimiler le parler de la région et les particularités locales, telles que le goût pour «les virées en boguet sur les routes peu fréquentées du Frienisberg allant de Berne à Aarberg», comme le propose Jura & Trois Lacs... ou l'art de dénicher une bonne absinthe.


Des expériences

Des améliorations à apporter

Si Benoît Golay se dit «assez stupéfait» de voir que ChatGPT a su proposer y compris des programmes de séjours complexes, il signale toutefois des améliorations à apporter: «Le chatbot ne sait pas quel jour on est, il n'a pas la notion du temps», d'où des réponses qui peinent à effectuer des projections, à permettre des réservations, et une difficulté à jongler avec les horaires et les correspondances. Certaines limites sont aussi fixées à la programmation: «On peut lui demander d'être plus ou moins "chaleureux" et "créatif". Mais pour nous qui proposons des séjours en montagne, nous avons préféré limiter sa créativité. Nous ne voudrions pas qu'il se hasarde à proposer des sorties excursions en baskets», s'amuse-t-il.

Un autre frein tient pour l'instant au comportement des usagers eux-mêmes. Quelle est d'ailleurs la proportion de visiteurs du site Internet qui a recours au chatbot? «Pour l'instant, environ 10% seulement», note Benoît Golay. Les utilisateurs seraient encore peu enclins et habitués à utiliser de tels outils, en partie à cause de certaines déceptions, lorsque dans une période encore récente, les chatbots fonctionnaient beaucoup moins bien.

Débuts prometteurs

Mais en matière d'IA, tout évolue si vite. Entre-temps, il serait important de mener des enquêtes de satisfaction pour savoir plus précisément ce qu'en attendent raisonnablement les clients potentiels. A voir. Il est aussi trop tôt pour dresser un premier bilan du côté de Montreux Riviera Tourisme, dont «le chatbot a été appelé Fredd-IA», informe une responsable – clin d’œil virtuel au chanteur Freddie Mercury du groupe rock Queen, dont la statue triomphante se dresse face au lac. Un chatbot plus modeste mais bien visible sur les écrans de smartphones, avec sa petite bulle noire («Bonjour, je suis Fredd-IA, l'assistant touristique de Montreux Riviera, actuellement en phase d'apprentissage»).

Il reste hélas indétectable sur plusieurs navigateurs, pour qui ne dispose pas d'un ordinateur récent. Ses conditions d'utilisation, avec avertissement, sont par contre spécifiées ailleurs, en toutes lettres, comme pour les deux autres offices régionaux: «Notre chatbot est encore en phase d'apprentissage et s'améliore en continu. Bien que nous nous efforcions de maintenir ces informations à jour et correctes, nous ne pouvons garantir leur exactitude, leur fiabilité, leur complétude ou leur pertinence à tout moment.» Des informations, conseils et recommandations automatisés à prendre donc «à titre indicatif seulement» et qui «ne remplacent en aucun cas les conseils professionnels».

Notamment en ce qui concerne «les horaires d'ouverture, les conditions d'accès aux activités ou aux randonnées, les tarifs ou les possibilités de logement sur place». Sur la gestion de ces multiples données et paramètres, sujets à de nombreuses variations et avec une complexité du rapport au «terrain» spécifique au monde du tourisme, la société EDSI-Tech a encore du pain sur la planche, malgré des débuts prometteurs. Fin juillet, soit après un mois seulement de lancement, son directeur Olivier Di Natale évoquait déjà 18 000 requêtes en 10 jours.