Philippe Audonnet, vous êtes un des trois chefs au monde à avoir été sélectionné par Ferran Adrià pour ses soirées culinaires où il vernit son livre de cuisine. Qu'est-ce que cela représente pour vous et pour l'Hôtel d'Angleterre?
C'est extrêmement flatteur. Surtout parce qu'il recherchait un style et un savoir culinaire. Il faut aussi souligner que Genève et Londres sont les seules villes européennes à y participer.
Comment avez-vous travaillé sur les recettes de Ferran Adrià?
J'ai sélectionné des plats dans chacun des sept volumes de «El Bulli 2005-2011». Je les ai élaborés de A à Z. Il les a validés. Je prends sa recette et l'exécute à sa façon, jamais à la mienne. Il s'agit de quinze jours de recherches et d'envies.
Que saviez-vous de ce cuisinier catalan?
Je connaissais sa cuisine d'avant-garde connue et reconnue. Son côté éphémère et de passage, mais très marquant. Des techniques de cuissons, d'assaisonnements et des goûts très personnels. Il n'a pas peur de mélanger deux produits en même temps. Mais je ne l'ai jamais rencontré et n'avais pas mangé dans son restaurant.
Quelles qualités apprécie-t-il chez vous?
A mon niveau, j'aime marier les saveurs, j'ose. Mais je ne suis pas du tout un cuisinier moléculaire. Je vais utiliser de l'azote pour ces soirées, mais ne le fais pas autrement. Les techniques qu'il prône pour les émulsions vont loin. Mais j'ai mon identité, je ne vais pas tout changer après cette expérience.
Pouvez-vous donner quelques exemples de plats de Ferran Adrià que vous allez exécuter?
Au lieu de l'anguille fumée, je vais apprêter une féra du lac fumée avec foie gras de canard et un fruit, le corossol. Un ceviche de calamars, avocats et artichauts. Un granité de lièvre et framboises.
Les intitulés des plats sont-ils sophistiqués?
Non, très simples. On utilise le mot biscuit. Des biscuits au pistou et à la tomate.
Pour la viande vous laissez le mystère…
Oui nous avons juste écrit veau. Mais la façon de le travailler et le goût seront très spéciaux. Je l'accompagnerai d'un espuma de pomme de terre ratte.
Daniel Humm lui succèdera
Les soirées autour de la cuisine et du livre de recettes de Ferran Adrià sont organisées par le «Financial Times» pour célébrer les 20 ans de son magazine «How to spend it». Quatre dîners à travers le monde et trois chefs sélectionnés par Ferran Adrià. Les deux premiers repas ont été concoctés par Jason Atherton, le 4 juin au Pollen Street Social de Londres (1 étoile Michelin) et le 16 juin au Aberdeen Street Social de Hong Kong. Il était le premier Britannique stagiaire auprès de Ferran Adrià.Le 4 septembre le repas final se déroulera au Eleven Madison Park (3 étoiles Michelin), de l'Argovien de New York, Daniel Humm.
Ferran Adrià honorera de sa présence en salle l'Hôtel d'Angleterre le 4 septembre. Cette soirée vendue par «How to spend it» à plus de 1000 pounds par personne a trouvé preneur en moins de deux heures. Elle comprend un exemplaire dédicacé de «El Bulli 2005-2011», habituellement vendu 525 euros. L'Hôtel mettra sur pied un second événement, sans la présence de Ferran Adrià, le lendemain, six plats avec accord vins à 250 francs par personne. Pour Lionel Vuillemin, directeur F&B: «Il s'agit d'événements pointus et recherchés par une clientèle internationale de connaisseurs passionnés regroupés autour de petites tables.»
Ferran Adrià travaille toujours sur sa fondation. Elle devrait ouvrir en 2015. Elle comprendra une exposition historique, un laboratoire d'innovation culinaire et une encyclopédie. Elle se situera à Rosas, sur la côte nord catalane, au même endroit que le restaurant «El Bulli» (3 étoiles Michelin), fermé en 2011.
