Tous les chefs entourésde seconds et commisquittent leur poste lundisoir, au Beau-Rivage,de Genève. Dominique Gauthier,maître de cérémonie de la soirée,les convoque pour une photo defamille. Il hésite: «Monsieur Décotterd,Monsieur Tarnowski,Monsieur Ravet. Ou plutôt Stéphane,David, Guy…» Confrères,amis, ils s'estiment et finalementne se croisent pas si souvent quecela. Guy Ravet reste encore unmoment seul. Il se concentre surson plat, saisit une bouteille deMiyagikyo, pour finir son jus quiaccompagne la dodine de pintade.Dominique Gauthier revient àla charge avec douceur. Guy Ravetva retrouver son père Bernarddans les cuisines du Chat Botté etdans quelques instants, sa mèreRuth disposera encore une dernièrepâquerette sur le plat.

Juste après, un public jeune,bigarré et passionné de cuisine vase frayer un chemin vers les dixcréations de ces chefs hors ducommun. Le réseau du goût romandI-taste et le palace genevoisdétiennent pour cette troisièmeédition les clefs d'un événementpopulaire, accessible et ludique.Etudiants en école hôtelière ycroisent fées des fourneaux domestiques.On y entrevoit aussiquelques figures de la gastronomiecomme Jean-Marie Pelletier,de l'Hôtel Cailler, à Charmey;SavarioSabaragli, du Il Lago, desBergues et Philippe Audonnetaujourd'hui consultant pour unesociété gastronomique privée.Directeur de l'établissement, àl'élégance chevillée au corps,Ivan Rivier accueille chacun avecles honneurs.

Un voyage vers les produits raresormeau et lapereau
Mais revenons à l'essentiel,deux petits plats par chef, quipeuvent contenir un peu de leurhistoire. Dominique Gauthiercommence fort avec une trilogiede textures pyramidales. Un socleen gelée de pomme verte aciduléeet combava. Une base de caviaret araignée de mer, cette chairde Spiderman qui fait depuislongtemps sa signature. Et unchapeau d'ormeau de pêche, cecoquillage d'exception. Son deuxièmeplat naviguera entre la Méditerranéeet le Pô, un cabri rôtiau citron de Menton dialoguantavec une mousseline de polentaau cumin, à la légèreté émulsionnée.On traverse la salle, jette unoeil aux anges qui ornent le plafond,aperçoit la silhouette massivede Pierrot Ayer, magicien duterroir, fou de vacherin et de Gottéron,un oeil goguenard, l'autresérieux. Il propose une déclinaisondes contraires. Verticale, latourte de foie gras de canard auxmorilles fraîches surprend par lavivacité de la croûte et l'onctuositédu dedans, presque du flan. Acôté, le petit rond translucideparsemé d'îlots noirs ne trompepas. Un tartare de lapereau dupays au grain de tournesol. Il enchaîneavec une pôchouse, cettesoupe du terroir bourguignon depoissons de rivière, il la fait dériververs nos lacs. Et il la revisite.Pour une potion presque schizophrènepossédant les vertus d'unbouillon asiatique, comme ladensité d'une soupe de poisson.De petites tuiles croquantes remplacentagréablement les croûtons.Breuvage bien tempéré aussipour Stéphane Décotterd quiagrémente son bouillon parfuméd'algues kombu d'un foie gras decanard poché au gingembre. Unplat très typé et un grand écart desaveurs. Précédemment, il jouaitavec la notion de moelleux pourapprêter un tourteau, mais avecune dominante de chou-fleur, ànotre goût trop extrême.

Plats simples et lisibles venusde «La Montagne»
La brigade de David Tarnowskiarbore des casquettes blanches,de collégiens rameurs. Le chef deLa Montagne, à Chardonne optepour deux plats lisibles. Il travaillele petit pois d'Italie en fineroyale,coulis et émulsion du végétal,avec noix de coco et affilacress. Un nom de marque deplante comestible se glisse dansl'intitulé de cette proposition assezdéconcertante de fraîcheur.Un peu brutale. Puis son risottorespirant le saucisson de la Borne,avec un final truffé en bouche.Une saveur ample, directe, efficacequi revendique son identité decuisine curieuse de bonne aubergedans un palace.

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