Enfant, j’adorais l’idée de pouvoir entrer dans un café pour boire un verre d’eau et lire la feuille officielle. Je ne me doutais pas qu’un jour, on me proposerait de montrer patte blanche ou passeport vaccinal. Tout en me laissant filmer par une caméra de surveillance ou un drone, pendant que je sirote une limonade. Voilà de quoi créer un nouveau ghetto générationnel, dans un pays qui a connu le scandale des fiches, à la fin des années 80.
 
Depuis le début de la crise, les restaurateurs s’adaptent, fournissent des plans sanitaires de qualité et tracent leurs clients avec des applications, et malgré tout, ils ont dû tourner la clef pendant de nombreux mois. Maintenant, ils devraient se soucier du bulletin de santé de leurs clients, exiger des garanties. Et pourquoi pas un casier judiciaire… En Suisse, la majorité des restaurants restent de petite taille, ils peuvent proposer des services à différentes heures.
Le bistrot doit rester le lieu de l’échange, de l’improvisation, de la rencontre entre différentes classes de la société. Cela fonctionne bien dans des villes populaires comme La Chaux-de-Fonds. Rien de plus beau que de se retrouver à la table des habitués, quand on arrive pour la première fois dans un établissement. On ne peut pas concevoir le café comme un simple lieu de consommation de masse qui offre une sécurité absolue. La tolérance, la liberté et même la possibilité de se livrer à certains excès oratoires ou éthyliques font son charme. Le nez se plaît plus dans les arômes du vin qu’agressé par un test PCR.

Le passeport vaccinal peut se comprendre pour la tenue de grands évènements de l’industrie de la musique ou du sport, celui qui souhaite y participer peut se soumettre à certaines règles. Mais cette pandémie nous donne envie d’un retour à la décroissance que le troquet permet. Sinon, il se transformera en club privé avec des salons VIP à foison et des grilles comme dans les zoos. De plus en plus, les frontières se referment, l’agora publique manque. Le café peut contribuer à garantir le débat et préserver la paix sociale.

A lire aussi le commentaire en allemand de mon collègue Mischa Stünzi: «Un pas de plus vers la normalité».

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