Achim Schmitt, à quoi doivent veiller les hôtels pour reprendre une activité la plus saine possible, financièrement parlant? Comment réussir le redémarrage?
Plus que jamais, la réouverture dépend de la façon dont les hôteliers sont capables d’ajuster leurs coûts opérationnels à l’incertitude qui accompagne le niveau fluctuant des revenus à venir. Dans ce contexte, les hôteliers doivent devenir créatifs. Par exemple, en créant des synergies avec d'autres hôtels. Il pourrait s'agir de partager le housekeeping ou les points de vente de restauration. Une autre démarche consiste à stimuler les réservations directes ou à passer des accords gagnant-gagnant avec les fournisseurs. La planification hebdomadaire des coûts et des recettes doit être privilégiée afin de gérer étroitement les risques.

Dans cette équation, la gestion des coûts fixes liés au personnel représente un vrai défi...  
Les équipes devront être planifiées en fonction d'une demande incertaine et des taux d'occupation. Les hôteliers devront relever de nombreux défis: trouver un personnel adéquat et qualitatif, disposer d’un effectif suffisant et éviter les licenciements. Ils devront favoriser la flexibilité et la polyvalence des compétences. On pourrait imaginer débuter avec une équipe de base composée de quelques employés clés. Cela permet d'éviter de perdre un noyau de compétences, essentiel en cas de crise. Cette équipe de base doit être motivée par le biais de plusieurs leviers, tels que la sécurité financière, la formation et l’engagement social en s'adaptant aux cas particuliers.

Que peut attendre un hôtelier de son personnel?
Il est important de le sensibiliser à la situation puisqu'on attend de lui une flexibilité accrue. Le personnel doit être impliqué dans la réflexion. Ses idées sont les bienvenues, par exemple dans la manière d'utiliser le numérique pour accroître la qualité et l'efficacité des prestations.

«Ceux qui sauront combiner innovation et rentabilité seront gagnants.»
Achim Schmitt

Les hôteliers pourront-ils exploiter leur hôtel comme avant la crise ?
Non, les hôtels ne fonctionneront plus de la même manière. Ils devront faire face à un marché très compétitif. A cela viendra s’ajouter un changement des habitudes de la clientèle et de sa composition, en raison de l’impact social et financier du Covid-19. Cependant, ce serait une erreur de casser les prix. Une guerre des prix n’est jamais rentable à long terme.

Dans quelle mesure les hôtels devront-ils adapter leur offre?
Les touristes nationaux ont d'autres besoins que la clientèle internationale. Les services devront s'étendre au-delà de l'offre habituelle. Certains hôteliers s'orienteront vers le numérique. Certains peuvent se montrer innovants en utilisant des outils virtuels, comme des guides touristiques virtuels, pour maintenir une forme de proximité avec leurs clients. Certains proposent des livraisons de repas, des services à l'emporter, des cours de cuisine virtuels et mettent ces offres au service de la communauté. La technologie permet de rationaliser certains coûts. La clientèle est désormais prête à accepter le libre-service pour garantir sa sécurité. Ce processus peut être étendu à d'autres services, comme le check-in automatisé ou l'assistance vocale. Mais si s'adapter et améliorer ses services est important, les hôteliers doivent veiller à ne pas se surcharger et à ne pas augmenter leurs coûts. Ceux qui sauront combiner innovation et rentabilité seront gagnants.    

Un hôtel partiellement ouvert peut-il être rentable?
Oui bien sûr c’est possible, il suffit que tout soit bien ficelé. Un hôtelier peut dégager une marge s’il sait comment gérer la structure de ses coûts. Outre une planification plus minutieuse des ressources humaines, les stratégies peuvent inclure une révision des services proposés. En période de distanciation sociale, les clients peuvent être plus à l'aise avec le libre-service et mieux comprendre que l’offre de service soit limitée. Les hôtels peuvent recourir à des solutions technologiques qui augmentent la productivité, tout en rendant service au client. Une gestion minutieuse des coûts doit également s'accompagner d'une stratégie de tarification appropriée.

Est-ce préférable pour certains hôtels de ne pas rouvrir du tout, plutôt que de creuser les pertes ?
A vrai dire, c’est au cas par cas. Dans le pire des cas, l’hôtelier ne peut pas dégager de marge. Si l’ouverture engendre des coûts fixes élevés, la réouverture peut ne pas avoir de sens. Dans ce contexte de crise, les hôteliers doivent anticiper les risques et envisager des prévisions pessimistes. Mais si la situation financière est favorable, une réouverture peut être envisagée. (htr/lg)