Antje Buchs porte une robe violette. L'allusion à la couleur du féminisme la fait rire. «Je n'y ai même pas pensé!» La gérante de l'Hôtel de la Cascade à Jaun (ou Bellegarde), seule commune germanophone de la Gruyère (FR), n'a rien d'une militante. Même si elle se trouve à la tête d'une équipe exclusivement féminine, depuis qu'elle a repris les rênes de cet hôtel-restaurant de 17 chambres, à la fin novembre. 

Sept femmes à temps plein, quinze avec les auxiliaires, et un homme. «Il dit qu'il est au paradis! Le fait que nous ne soyons que des femmes est un pur hasard», précise Antje Buchs. Originaire de Jaun, l'ancienne responsable des relations publiques de Gstaad Tourisme a été approchée par le propriétaire de l'hôtel. «J'y avais déjà travaillé par le passé. Pour moi, c'était l'opportunité de relever un nouveau défi et de m'investir pour mon village d'en­fance. Mais je ne voulais pas le faire seule.»  Elle recrute une amie de jeunesse, Sonja Buchs, formée comme gestionnaire de vente et décoratrice, pour la seconder à la direction. «Nous avions déjà eu l'occasion de travailler ensemble dans le cadre de la jeunesse de Jaun», explique-t-elle. Elles exploitent leur carnet d'adresses et parviennent à convaincre «assez facilement» cinq autres personnes, en l'occurrence des femmes. Parmi elles, des sœurs, des cousines, des petites-cousines. A une exception près, les sept sont originaires de Jaun, village de 650 habitants, situé à 1000 mètres d'altitude. 


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Des responsabilités claires et une ambiance bon enfant
Elles ont 22, 23, 25, 35, 36 et 55 ans et travaillent toutes à 100%. «Seule l'une d'entre nous a des enfants qui sont déjà grands.» Ne venant pas de l'hôtellerie-restauration, Antje et Sonja Buchs se rendent vite compte de la nécessité de répartir les tâches et responsabilités: Linda Buchs et sa cousine Marie Fallegger en cuisine, Annie Buchs et Sophie Brodard au service et Carine Dougoud au housekeeping. 

La particularité de leur équipe 100% féminine semble susciter davantage d'agacement que de fierté. «Pourquoi est-ce si étonnant? Certains clients ont dit qu'ils venaient ‹voir ces femmes travailler›. Nous ne sommes pas au zoo», rapporte avec humour Antje Buchs. A les entendre, aucune n'aurait choisi spontanément de rejoindre une équipe entièrement composée de femmes. Passé les craintes du début, il s'avère que tout se passe à merveille. «Nous sommes toutes un peu pareil. Des filles simples, d'un village, qui ne faisons pas d'histoires», analyse Antje Buchs. «Je préfère travailler avec des hommes, confie Linda Buchs, cheffe de cuisine. C'est plus simple, il n'y a pas disputes, pas de jalousie. Mais comme je travaille avec ma cousine, cela se passe très bien. Nous avons des caractères semblables.» 

Dans la grande salle du restaurant de 50 places, Mélissa Bellay est occupée à la mise en place. Venant de Toulon, la jeune femme de 30 ans est une cousine de Marie et Annie. Elle est venue prêter main-forte au service durant la saison hivernale. Elle confirme: «C'est une équipe facile, sans prise de tête. Antje nous fait confiance. Peut-être parce qu'elle ne vient pas du métier. Nous sommes toutes investies, responsabilisées et professionnelles.» 

«Le fait que nous ne soyons que des femmes est un pur hasard»
Antje Buchs, gérante Hôtel de la Cascade/Wasserfall, à Jaun (Bellegarde)

Unique établissement hôtelier de Jaun, l'Hôtel de la Cascade (appelé aussi Hôtel Wasserfall) a rouvert il y a sept ans, après une rénovation complète. L'amour du bois de son propriétaire se dé­cline à tous les étages, du café aux combles, où une petite salle de séminaire a été aménagée. L'hôtel abrite 17 chambres, dont six thématiques et trois familiales avec six couchages. Réalisées en partie par l'Ecole de sculpture sur bois de Brienz, les chambres thématiques rivalisent d'originalité: un lit en forme de luge ou de baquet avec sa cuillère en bois sculpté rappelant la crème double de la Gruyère.

Des forfaits et des événements 100% femmes... ou hommes
Antje et Sonja Buchs ne revendiquent aucune «woman's touch». Elles s'appliquent en revanche à dynamiser l'établissement afin de le faire vivre à l'année, en s'adressant autant à la population villageoise qu'aux touristes. Elles ont rafraîchi le site web et créé des forfaits pour les chambres thématiques. «Nous faisons en sorte de valoriser la région et de proposer des activités qui permettent de faire vivre le village.» 

Ainsi, la chambre «Foire aux moutons» donne lieu à une visite d'une fromagerie et d'une exploitation agricole, tandis que la chambre «luge» donne accès à la piste de luge de Jaun, et la chambre «romantique» aux Bains de Charmey, situés à dix kilomètres. Le petit-déjeuner valorise les produits locaux, tout comme les mets du restaurant dont l'une des spécialités est la fondue Mulaff, du nom de la bière locale.  

La création d'événements fait aussi partie de leur démarche. Le prochain rendez-vous consiste d'ailleurs en un week-end 100% femmes, combinant deux nuitées avec repas, yoga, massage, ski de fond, raquettes à neige ou luge. «Les femmes se sentent parfois plus à l'aise entre elles, l'état d'esprit est différent», justifie Antje Buchs. Et Sonja Buchs d'ajouter: «Nous prévoyons aussi un événement que pour les hommes, avec dégustation de bières et une initiation au fumage de la viande.» Ces événements se veulent avant tout ludiques. Les femmes de la Cas­cade se disent peu concernées par les questions de genre. Leur préoccupation est ailleurs: donner un nouveau souffle touristique à Jaun et dépasser les idées reçues.   

hotelwasserfall.ch/fr/