« Si Le Corbusier et Cendrars sont nés la même année et dans le même quartier de La Chaux-de-Fonds, la Métropole horlogère n'a pour l'instant cultivé que très peu de liens avec l'écrivain, si ce n'est d'avoir nommé une rue et le lycée du nom de l'auteur du Transsibérien », observe Daniel Musy, ancien professeur de français, sollicité par Keystone-ATS. Pourtant, « quand on écoute Blaise Cendrars dans des interviews, il a l'accent chaux-de-fonnier. »

« La Ville de La Chaux-de-Fonds pourrait mettre en avant l'héritage du poète avec un prix ou un festival de jeunes auteurs ou une grande fresque du Transsibérien », ajoute Daniel Musy. Le conseiller communal chaux-de-fonnier Théo Bregnard reconnaît que « la personne et l'œuvre de Blaise Cendrars sont insuffisamment mis en valeur par la Ville. »

« Il y a une plaque commémorative à la rue de la Paix 27, son lieu de naissance, mais peu de monde la connaît. Aujourd'hui, on doit aller plus loin. Pour les dix ans de l'inscription des villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds à l'Unesco, on a mis des citations d'écrivains à l'honneur sur les murs de la ville, dont celles de Blaise Cendrars dans le hall de la gare », a ajouté le conseiller communal en charge de la culture. On peut y lire notamment « La poésie date d'aujourd'hui ».

Un prix littéraire

Théo Bregnard précise que la Ville réfléchit à mettre davantage en œuvre la richesse littéraire de ses auteurs et à rendre l'art, et donc la poésie, accessible à tous. « Un prix littéraire pourrait être un élément. Il y aurait peut-être des choses à créer en lien avec le lycée ».

Si la Métropole horlogère valorise encore peu l'écrivain, la Bibliothèque de la Ville possède néanmoins un très beau fonds de livres de Cendrars, avec plusieurs éditions originales. L'institution détient également un « exemplaire assez exceptionnel » de la « Prose du Transsibérien ». « Il s'agit d'un tirage d'épreuve non coupé avec des couleurs splendides », explique la directrice Sylvie Béguelin.

Renaître de ses cendres

L'écrivain lui-même n'a cultivé aucun lien avec sa ville natale où il a vécu son enfance. « Il a mis le feu à son nom (Sauser) et détruit l'image du père pour renaître de ses cendres. D'où son nom, Cendrars. Il a voulu édifier un nouveau monde dans l'art et la poésie », explique Daniel Musy, en se fondant sur l'analyse de Miriam Gilou-Cendrars.

Dans son livre, la fille du poète relève une citation intéressante de Cendrars sur ce sujet. « Tout enfant, très souvent, je brûlais dans mon berceau: je prenais feu comme une allumette et il ne restait de moi qu'un petit tas de cendres noires toutes entortillées. J'ai fait ce rêve au moins cinquante fois. »

« Cette idée de renaître de ses cendres est aussi symbolique de La Chaux-de-Fonds qui s'est à chaque fois relevée des crises qui l'ont traversé », ajoute Théo Bregnard.

Blaise Cendrars est célèbre pour ses voyages. En 1911, il se rend à New York où il écrit son premier poème « Les Pâques à New York ». Il le publie à Paris en 1912 sous le pseudonyme de Blaise Cendrars.

En 1913, il fait paraître son poème le plus célèbre, « La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France », qui s'inspire d'un voyage en Russie qu'il a effectué alors qu'il avait 17 ans, soit avant son séjour à New York. Dans ce texte, « il mélange fantasme et vie réelle et raconte qu'il vend des montres pour un Leuba en Russie », constate Daniel Musy.

Amputé du bras

Dès le début de la guerre de 1914-1918, Blaise Cendrars s'engage comme volontaire étranger dans l'armée française, avant d'être versé dans la Légion étrangère. Gravement blessé le 28 septembre 1915, il est amputé du bras droit et réformé. Il sera naturalisé français.

En 1924, il voyage au Brésil et s'oriente vers le roman avec « L'Or », où il retrace le dramatique destin d'un millionnaire d'origine suisse, ruiné par la découverte de l'or sur ses terres en Californie. Le succès mondial de ce livre va faire de Cendrars un romancier d'aventures.

Dans les années 30, il devient grand reporter, puis correspondant de guerre dans l'armée anglaise en 1939. Il quitte Paris, après la débâcle, et s'installe à Aix-en-Provence. Il y écrit ses mémoires et notamment « L'Homme foudroyé », « La Main coupée », « Bourlinguer » et « Le Lotissement du ciel ». Victime d'une congestion cérébrale le 21 juillet 1956, il meurt des suites d'une seconde attaque le 21 janvier 1961. (htr/sj/ats)