Sydney! A la lecture de ce nom, quelle image vient-elle à l’esprit? Celle de l’opéra, probablement, dont les voiles iconiques dominent le port. Haut-lieux d’art, de sociabilité et de pouvoir, les théâtres lyriques participent au rayonnement d’une cité. Par leur architecture, parfois; toujours par la qualité des productions qui y sont présentées comme par l’écrin qu’ils offrent aux mondanités. Qu’il s’agisse de l’Opéra Garnier, à Paris, ou du Bolchoï, à Moscou, les visites officielles de chefs d’Etat étrangers incluent souvent une représentation de gala.

C’est sans doute la raison pour laquelle les pouvoirs publics ne lésinent pas sur la dépense lorsqu’il s’agit de restaurer ou de rénover un de ces monuments de prestige. 440 millions d’euros pour le Staatsoper de Berlin, réouvert l’automne dernier; plus modestement 73 millions de francs pour le Grand Théâtre de Genève qui a repris ses activités musicales, place Neuve, le mois dernier, après trois ans de travaux.

Le rayonnement d’une maison d’opéra positionne une ville sur la carte. A cet égard, le cas de l’Opernhaus de Zurich est exemplaire. L’excellence de ses productions porte sa renommée loin à la ronde. En revanche, rares sont les opéras à même d’effectuer des tournées à l’étranger, telle la Scala qui est régulièrement invitée au Japon. Déplacer décors, costumes, accessoires, matériel technique, solistes, chœur et orchestre est par trop coûteux.

Plus «légers», les orchestres et les compagnies de ballet sont d’excellents ambassadeurs. Preuve de l’efficacité de cette diplomatie culturelle: dans l’immédiat après-guerre, Moscou envoyait le ballet du Bolchoï aux Etats-Unis, et Washington le New York City Ballet à Leningrad. Une universitaire belge, Stéphanie Gonçalves, y a même consacré sa thèse: «La guerre des étoiles – danser pendant la guerre froide». Dans un registre apaisé, l’Orchestre de la Suisse romande s’est produit l’automne dernier au Brésil, en Argentine, au Chili et en Angleterre. En avril, l’Orchestre de Chambre de Lausanne sera aussi bien en Italie qu’en Azerbaïdjan.

Lorsque la ville de Lausanne a offert à Maurice Béjart d’accueillir sa compagnie de danse, elle y voyait autant un vecteur de promotion touristique qu’un fleuron culturel. C’en était terminé du bruxellois «Ballet du XXe Siècle». Place était faite au «Béjart Ballet Lausanne».

Durant deux décennies, au moins, municipalité et office du tourisme eurent tout lieu d’être satisfaits. Le BBL tourna de Jérusalem à Tokyo, de Paris à Berlin, de Milan à Shanghai, de Moscou à Rio. Les temps sont plus durs, et du coup les tournées moins nombreuses et moins prestigieuses. Mais la compagnie n’en continue pas moins de véhiculer le nom de sa ville de résidence. Tout comme le Ballet du Grand Théâtre de Genève qui, ces derniers mois, voyage de Chine à Cuba, d’Italie en Espagne, d’Allemagne en France.

Pour des villes qui vivent en partie du tourisme, qu’il soit d’affaires ou individuel, comme Lausanne et Genève, bénéficier d’institutions prestigieuses au fort rayonnement international et d’ambassadeurs culturels itinérants est un atout qui ne doit pas être sous-estimé.


Jean Pierre Pastori, journaliste et écrivain. Ancien directeur du Château de Chillon et président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne.