Au cours des cent dernières années, les régions alpines ont connu une augmentation moyenne de 1,6 degré Celsius, ce qui n'a, concrètement, pas causé de grands changements au niveau des fonctions physiologiques des végétaux, malgré des pics de chaleur plus fréquents. Cette situation est même globalement positive pour la viticulture suisse, car elle garantit une meilleure maturation, notamment pour les cépages tardifs.

Toutefois, si l'on est pratiquement certain que les températures vont continuer à augmenter les prochaines années, il est difficile de connaître la répartition des précipitations. On ne sait pas si l'on se dirige vers des étés plus chauds et plus secs, nous gratifiant d’un produit de la vigne plus fin et typé, ou au contraire, des périodes plus chaudes et plus humides. Afin de faire face à cette évolution des températures, nous pouvons intervenir directement sur la vigne, par exemple en maintenant davantage de feuilles autour des grappes pour qu'elles ne soient pas directement exposées au soleil.

On ne note en revanche pas de changements marqués dans l'encépagement. La tentation serait de planter des cépages plus méridionaux; il y a d'ailleurs déjà quelques tentatives. On trouve de la Syrah en Valais depuis des décennies, mais on pourrait par exemple penser à des Cabernets, etc. Cela dit, il faut rester prudent car certains cépages sont exigeants en température, et nous devons produire de la qualité en permanence et non de manière irrégulière. Nous pouvons aussi envisager de déplacer certains cépages pour bénéficier de meilleures conditions climatiques. C'est une tendance. On cultive par exemple certains Pinots Noirs en altitude, car ils n'aiment pas les trop grosses chaleurs.

Le réchauffement influence-t-il le goût du vin? Un climat plus chaud engendre une plus grande accumulation des sucres dans le raisin et modifie un peu la typicité des vins, qui deviennent plus «lourds» et chargés en alcool. Cela peut toutefois être légèrement corrigé, notamment au niveau de la vigne, en évitant de trop exposer les raisins au soleil. On peut également intervenir en cave pour garder l'acidité du vin. Mais ce léger changement de goût n'est pas forcément négatif: il génère aussi le charme des millésimes... C'est une utopie de croire que l'on reproduit le même vin année après année.

Comment allons-nous adapter la culture de la vigne aux évolutions climatiques futures? Le scénario le plus modéré donné par les climatologues est une augmentation d'un degré d'ici à 2050. Donc, le vignoble ne va pas changer, et on ne changera pas fondamentalement nos pratiques. Mais on plantera par exemple davantage de cépages plus méridionaux, comme le démontre déjà la tendance au Merlot dans le canton de Vaud. Par contre, si les changements climatiques s’avèrent plus contrastés que prévus, particulièrement avec des risques d’évènements extrêmes, liés à des températures caniculaires ou à des sécheresses périodiques, des effets négatifs, comme des blocages dans la maturation du raisin, pourraient apparaître à l'avenir.

Concernant la récolte 2020, tout s’annonce pour le mieux! En Suisse romande, les rendements seront modestes, cela étant dû aux conditions relativement mauvaises lors de la floraison. La qualité sera par contre de très haut niveau! En effet, la maturation est en avance de deux à trois semaines. En Valais, les vendanges pourraient même débuter les premiers jours de septembre. Cette situation exceptionnelle nous gratifiera à coup sûr d’un grand millésime.


Daniel Dufaux est directeur général des opérations de Schenk Holding SA. Il est aussi président des œnologues suisses et secrétaire de l'Union internationale des œnologues.