La haute gastronomie devient de plus en plus une histoire de construction de marques. Il ne suffit plus de plats signatures uniquement, mais l’ensemble de la communication doit obéir aux projecteurs de la surmédiatisation. Les sites internet et le design des restaurants se ressemblent. Le palmarès Michelin Suisse 2021 virtuel n’y échappe pas. Sur quatre nouveaux deux étoiles en Suisse alémanique, trois reposent sur l’économie plus globale, mais aussi fragilisée en ces temps de crise, d’un grand hôtel. Dans les nouveaux une étoile, on remarque souvent le label, la caution d’un chef déjà consacré. Ceux d’Andreas Caminada ou de l’Italo-Franco-Argentin Mauro Colagreco. Mais qui cuisine vraiment... Michelin inspire toujours par le sérieux de son approche. Mais il devrait se méfier d’un danger d’uniformisation qui pourrait menacer l’existence de certains établissements indépendants.

Dans les années 2000, un autre modèle régnait, où seuls Gérard Rabaey et Frédy Girardet planaient sur la gastronomie du pays, avec des auberges communales familiales dans des bourgades. Héritiers de maîtres austères et virtuoses de la Nouvelle Cuisine française comme Alain Chapel. Ils véhiculaient une image d’obsédé du goût et d’écorché vif. Cela tranche avec le côté flamboyant, voyageur, golden boy, à l’aise médiatiquement, d’Andreas Caminada ou Mauro Colagreco, aussi brillants cuisiniers soient-ils. Les guides et les classements doivent rester des lieux de l’expression d’une mosaïque de réalités, ne pas suivre l’air du temps et comme certains restaurants perdre leurs saveurs.