Lara Berra, comment devient-on à 30 ans coprésidente de l’Association hôtelière du Valais? Qu’est-ce qui a motivé votre engagement?
Mon papa, Christophe Berra, présidait la section du Bas-Valais et des Portes du soleil, et siégeait au comité de l’Association hôtelière du Valais. J’ai toujours écouté à travers lui ce qu’on y racontait. En 2018, un autre hôtelier de Champéry, Philippe Zurkirchen, présidait cette même section, je suis devenue vice-présidente, puis quand il a intégré le comité exécutif d’HotellerieSuisse, j’ai repris sa fonction à l’Association des hôteliers du Valais. Enfin, Markus Schmid, l’ancien président, et Patrick Bérod, l’ancien directeur, voulaient proposer la coprésidence à une fille du Bas-Valais et à une autre du Haut-Valais pour pouvoir présenter une réalité unie avec des oreilles qui écoutent autrement. Donc je suis devenue présidente car je connaissais déjà les personnalités de l'association et que j’aime cette branche.

Et cela fut une évidence pour vous…
Non, parce que je ne gérais pas notre Hôtel Suisse de Champéry depuis longtemps et ne connaissais pas le monde politique. J’en ai beaucoup discuté avec ma sœur Camillia, avec qui je codirige l’hôtel. Et puis je n’aime pas trop me mettre en avant ou adopter un ton professoral. Mais ensuite, j’ai pu participer au processus de recrutement du nouveau directeur et je trouvais bien de pouvoir représenter notre vallée. J'ai donc décidé de m’engager pour trois ans afin d'essayer de changer les choses via l'association. Entre-temps, l’autre coprésidente pressentie a renoncé et je me suis retrouvée toute seule depuis septembre de l’année dernière, même si Markus Schmid m’a accompagnée dans le suivi de nombreux dossiers.

On a apprécié mon dynamisme, des discussions s'avèrent possibles partout

Pouvez-vous nous parler de ces dossiers?
Il s’agit de représenter les intérêts des différentes sections valaisannes, de siéger à la Chambre valaisanne du tourisme, mais aussi de tout ce qui touche à la formation. J’ai échappé à la task force Covid, mais j'ai vite dû prendre le relais sur l’énergie et l’électricité. Je m’entends très bien avec le nouveau directeur Beat Eggel. Ensemble, nous avons rencontré les régions afin notamment de rajeunir notre comité.

Découvrez-vous aussi un monde d’hommes? Oui, j’étais souvent la seule femme de nombreux comités. J’arrivais parfois avec la boule au ventre, mais très vite, on a apprécié mon dynamisme, et des discussions s’avèrent possibles partout. De plus en plus de femmes accèdent à ces postes parce qu’elles montrent leurs capacités.

Et votre coprésident sera finalement proposé à l’Assemblée générale le 31 août de cette année...
Oui, il s’agit d’Olivier Andenmatten de l’Activ Hotel et Spa Hannigalp, Grächen, qu'il a repris en quatrième génération. Il représente aussi l’hôtellerie familiale et a envie de s’engager dans de nombreux projets.

Quelles seront vos priorités?
Nous devons redorer le blason de l’hôtellerie, attirer des jeunes dès le cycle d’orientation et informer les professionnels de l’orientation. On doit, autour de nos métiers de passion, parler des avantages et des opportunités. Par exemple, le lundi et le mardi, lors de mes jours de congé, je peux profiter des pistes de ski avec moins de monde. Les conditions salariales évoluent également.

Au sujet de l’énergie, plusieurs opinions divergent dans votre comité…
Oui, certains voudraient que les prix soient plafonnés. La situation reste problématique pour les hôtels avec spa et piscine. Globalement, il faut que le Valais se rende plus indépendant énergétiquement. Ces débats vont de pair avec ceux liés au tourisme durable. J’ai participé à un atelier sur le tourisme 4 saisons organisé par le canton du Valais. On doit se poser des questions quand on voit cet été des températures à 40 degrés, alternées avec de la grêle et de la neige sur les sommets des Dents du Midi.

Comment se déroule la saison estivale pour le Valais?
Quand on annonce des records d’affluence à Genève, on peut en déduire que cela ne présage rien de bon pour nous. Les mois de mai et de juin furent moins bons que les perspectives envisagées. Mais 2022 reste extraordinaire et on revient maintenant aux chiffres d’avant la pandémie. Les établissements comprenant un spa s’en sortent bien le week-end et nous, avec notre clientèle séminaire, plutôt en semaine. On remarque que les Suisses viennent moins, alors que l’on voit davantage d’Américains, et l’ouverture de la Chine ne peut que nous réjouir.

Et le comportement des clients en termes de réservations évolue aussi?
Oui, à Champéry, en juillet et en août, tout se fait en dernière minute. On reçoit beaucoup moins de demandes pour deux semaines complètes. Le cours de l’euro ne nous aide pas, surtout envers les clientèles allemande, belge, française qui baissent.

Et en plaine, comment la situation évolue-t-elle?
Je reçois des bons échos de Sion. Leur marché permet d’accueillir de nouveaux acteurs comme Ibis ou le projet d’ouverture du nouvel hôtel dans la gare. Ils travaillent beaucoup sur l’événementiel et sur des séjours d’une seule nuit. La situation semble plus compliquée à Martigny, avec beaucoup moins de bus de tour-opérateurs vers Chamonix, Zermatt ou Genève qu’avant. Mais l’école Vatel garantit encore passablement de nuitées.

La digitalisation devient-elle un thème pour l’Association hôtelière du Valais?
Bien sûr, notamment à travers l'excellent projet valaisan Digitourism, qui soutient aussi des structures modestes à hauteur de 4000 francs renouvelables chaque année. A l'Hôtel Suisse, cela nous a permis d’établir notre stratégie sur les séminaires ou de travailler sur des devis en ligne.

Les clefs d'un hôtel familial
Lara Berra reprend la direction de l’Hôtel Suisse à Champéry, avec sa sœur Camillia, fin 2017. Un 3 étoiles familial de quarante chambres toutes différentes et réparties en 5 catégories, acquis par ses parents en 2003. Lara Berra est titulaire d’un bachelor de l’Ecole hôtelière de Lausanne. En septembre 2022, elle succède à Markus Schmid qui aura présidé l'Association hôtelière du Valais durant neuf ans. Un coprésident en la personne d'Olivier Andenmatten de l’Activ Hotel et Spa Hannigalp, Grächen, sera proposé à l’Assemblée générale le 31 août prochain.