La nouvelle du rachat de l’emblématique Hôtel Richemond, début février par le groupe Jumeirah, basé à Dubai, a provoqué un grand engouement, comme le raconte Géraldine Poncin, ancienne directrice marketing de l’établissement: «C’est drôle, parce qu’à la minute où la nouvelle est sortie, j’ai reçu des WhatsApp et des messages Instagram de la part de mes anciens collègues devenus des amis. Le Richemond a été une période à part pour nous tous, pendant laquelle nous nourrissions le sentiment de former une famille.» Une nouvelle presque aussi forte que le séisme occasionné par la brusque fermeture de l’hôtel en juillet 2020 et le licenciement de ses 130 collaborateurs. 

Lui aussi très attaché au palace, Charles-Henry France, ancien revenue manager du Richemond parti une année avant sa fermeture et aujourd’hui actif dans la technologie liée à l’immobilier chez Metabel, met l’accent sur une autre dimension: «Contrairement à Lausanne avec le Royal Savoy, propriété de Katara Hospitality, Genève ne disposait pas de flagship du Moyen-Orient sur sa place, ce qui peut devenir déterminant à l’avenir en matière d’image et de puissance sur ce marché.» 

Le titre du communiqué de presse de Jumeirah va aussi dans ce sens: «Jumeirah étend sa présence en Europe avec une acquisition clé, à Genève.» Il s’agit de la vingt-sixième acquisition dans le monde et de la cinquième du groupe en Europe. 

«Des travaux d'envergure grâce
aux espaces intérieurs»

Fondé en 1875 et situé comme la grande majorité des autres palaces genevois sur la rive droite du Léman, le Richemond occupe une place particulière à Genève. Même son de cloche pour l’ancien chef du Jardin, au Richemond, Philippe Bourrel: «Je considérais cet hôtel comme ma deuxième maison, j’y passais douze à quatorze heures par jour pendant dix ans dans une dynamique constante. D’ailleurs, douze personnes de mon ancienne équipe travaillent aujourd’hui avec moi dans la brigade de traiteurs de Prime & Co. On a hâte de voir se développer ce futur projet.» 

Il faudra patienter un peu, car l’hôtel de 109 chambres et 22 suites va subir d'importantes rénovations afin de repositionner l'expérience des clients à un niveau conforme aux attentes de la marque Jumeirah et ce jusqu’à l’horizon 2025, car la marque annonce vouloir se positionner sur l’ultraluxe. Charles-Henry France pense que «les très grands espaces intérieurs de l’hôtel devraient permettre des rénovations d’envergure, sans forcément intégrer l’or et le kitsch si présents à Dubai».

Philippe Bourrel pense que l’analyse de marché du groupe restera prépondérante: «La clientèle genevoise se distingue par des goûts bien précis. On ne peut pas juste ouvrir un restaurant asiatique de plus. Moi, j’arrivais de Paris avec beaucoup de certitudes, mais il a fallu repositionner le restaurant italien d’alors, en misant sur des produits locaux et des circuits courts. Par exemple, en devenant le premier palace à travailler avec les miels de Stéphanie Vuadens.»

«Passerelle vers des stations 
de ski très renommées»

Katerina Giannouka, présidente-directrice générale du groupe Jumeirah, déclare: «Il s'agit d'une acquisition importante pour Jumeirah, offrant à nos clients une adresse prestigieuse au sein de l’une des institutions incontournables de Genève, tout en servant de passerelle vers des stations de ski de renommée.» Les 5 étoiles genevois parlent de clientèle équilibrée entre les saisons mais certains d’entre eux développent en hiver des courts séjours de relaxation en ville avant et après les vacances de ski. Comme le Ritz Carlton de la Paix et le Président Wilson, qui bénéficient de la proximité du W Verbier, tous membres du réseau de marques de Marriott, ou le Four Seasons Les Bergues avec le Four Seasons Hotel Megève.

Charles-Henry France pense qu’une des innova­tions que pourrait amener Jumeirah serait de développer un rooftop sur le toit du Richemond. Sur la rive droite, seul Izmui, au Four Seasons, propose cette offre, et sur la rive gauche le Métropole. 

Jusqu’en 2025, l’arrivée sur le marché de Jumeirah devrait engendrer encore des débats et montrer l’importance du Richemond dans la vie locale.