L’été sec et caniculaire que nous avons vécu n’a fait que confirmer les prévisions des experts du climat qui depuis des décennies nous alertent sur les conséquences du réchauffement climatique. Quant à la biodiversité, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme et évoquent une possible sixième extinction de masse. En Suisse, la moitié des milieux naturels et un tiers des espèces sont menacés, et la situation ne fait qu’empirer, avec à terme des effets très concrets sur nos vies quotidiennes. Le sol filtre notre eau potable. Une grande partie des médicaments sont basés sur des principes actifs provenant de plantes ou d’animaux. La diversité du vivant est essentielle à l’agriculture et au système alimentaire, pensons à la pollinisation, notamment. La nature et les beaux paysages favorisent le bien-être psychologique et attirent les touristes.

Les 17 objectifs de l'Agenda 2030 pour le développement durable constituent aujourd’hui la référence en matière de durabilité, y compris pour le secteur touristique. Dans leur représentation graphique habituelle, ces 17 objectifs sont posés les uns à côté des autres, sans hiérarchie entre eux. Je préfère la représentation proposée par l'Université de Stockholm sous forme d’une «tourte des mariés» qui place la biosphère, et les 4 objectifs qui la concernent, comme base de la société, puis de l’économie, et de leurs objectifs respectifs. Dans la pratique, la mise en œuvre de la durabilité nécessite en effet souvent des compromis entre les aspects économiques, écologiques et sociaux. In fine, la dimension écologique devrait prévaloir, en tout cas dans les pays prospères comme la Suisse, où les besoins essentiels sont couverts, car le maintien du vivant est une condition sine qua non au bon fonctionnement de la société et de l’économie.

«Il ne devrait plus y avoir de subventions qui nuisent à la biodiversité en Suisse»
Christophe Clivaz

Deux exemples pour illustrer ce que cela signifierait pour la politique touristique suisse d’accorder la priorité à la biosphère. Une étude de 2020 a identifié 162 subventions en Suisse qui sont dommageables pour la biodiversité. Parmi celles-ci figurent des soutiens financiers accordés dans le domaine du tourisme comme les prêts pour les infrastructures touristiques de la nouvelle politique régionale (NPR). Vu la diminution constante de la biodiversité en Suisse, il ne devrait plus y avoir de subventions qui nuisent à cette dernière.

Le deuxième exemple concerne l’impact carbone des vols aériens. Vu les conséquences négatives du réchauffement pour le tourisme alpin, il est particulièrement important que la politique de soutien au tourisme ne s’apparente pas à une «maladaptation». Encourager le développement des vols charters des principales villes européennes vers l'aéroport d'Engadine, comme le fait actuellement un projet Innotour, en est une parfaite illustration. De même pour la promotion faite par Suisse Tourisme sur les marchés lointains, dont les touristes viennent en avion.

Dans les pays riches comme la Suisse, la priorité devrait être donnée aujourd’hui aux aspects écologiques par rapport aux aspects économiques. Dans le tourisme comme dans les autres secteurs.


Christophe Clivaz est professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL et conseiller national (Verts/VS)