L'hôtellerie de luxe agit-elle suffisamment pour réduire l’empreinte carbone générée par son industrie? Ou, dit autrement et en forçant un peu le trait: luxe et durabilité ne sont-ils pas mutuellement exclusifs? A priori, les clients des établissements haut de gamme ne sont pas les plus réceptifs aux questions écologiques, qui impliquent par définition des gestes d’économie.

Fondée fin 2021 et lancée début 2022 «par les hôtels pour les hôtels», l’association Responsible Hotels of Switzerland (RHS) regroupe une trentaine d’établissements 4 et 5 étoiles suisses qui ont décidé, volontairement, de se positionner sur le segment des services et des produits de luxe, tout en répondant à des exigences de durabilité.

Les eco-travelers cherchent aussi le haut de gamme
De la mobilité au chauffage, en passant par l’eau et le plastique, ou encore la saisonnalité des produits alimentaires et la lutte contre le gaspillage, tous les aspects de l’économie circulaire sont pris en compte par l’association. [RELATED]

«La problématique de la durabilité concerne tous les secteurs. Prenons l'exemple des installations telles que piscine, wellness ou spa, qui sont par définition très énergivores. Compte tenu des défis à l’échelle plané­taire, un hôtel qui propose ce genre d’infrastructures à sa clientèle doit absolument réfléchir à l'utilisation de sources d'énergie renouvelable, et ce pour rester compétitif sur le marché actuel», explique Benjamin Dietsche, directeur du Cervo Mountain Resort à Zermatt. Cet hôtel 5 étoiles chauffe ses installations à 99% avec la géothermie. Egalement membre du comité directeur de RHS, Benjamin Dietsche s’exprimait en juin dernier à l’occasion d’une journée d’étude sur ce thème organisée à Champéry (Valais) par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).

Il faut réfléchir aux sources d'énergie renouvelable pour rester compétitif.
Benjamin Dietsche, Directeur du Cervo Mountain Resort à Zermatt

Dans son édition de 2021, le «Sustainable Travel Report» de Booking.com indiquait que 73% des clients seraient plus enclins à choisir un établissement si celui-ci avait mis en place des pratiques durables. La question des déchets inutiles, et surtout le plastique, était considérée comme importante pour 46% des personnes interrogées. Venaient ensuite les menaces sur la faune locale et les habitats naturels (38%), la surexploitation des sites touristiques populaires (33%) et la réduction des émissions de CO₂ (29%).

«Le choix de la destination reste décisif, indépendamment des critères de durabilité. Mais si les établissements sont de standing équivalent, les gens auront tendance à choisir l'hôtel avec le plus de prestations durables», explique Chantal Cartier, associée de l'agence Schmid, Pelli & Partner. Cette dernière est mandatée par RHS pour le volet marketing et communication (voir interview ci-dessous).

Les professionnels de la branche en sont convaincus: la durabilité devient un véritable facteur de différenciation pour un hôtel. D'autant qu'une étude montre que près de 51% des eco-travelers cherchent des hébergements 4 et 5 étoiles, une proportion supé­rieure à la moyenne des voyageurs. Mais pour éviter le greenwashing, cet effet d’annonce suivi de peu ou pas d’actions, la RHS applique des critères d’admission stricts. Les membres doivent être des établissements indépendants – sont donc exclues par définition les grandes chaînes –, afin de garantir l’engagement des propriétaires dans une véritable démarche de durabilité. Autre condition, l’hôtel doit être certifié niveau 3 (le plus élevé) du programme Swisstainable décerné par Suisse Tourisme.

Comme chacun sait, il y a le «faire», le «savoir-faire» et enfin le «faire-savoir». «Ce qui est difficile avec la durabilité, c’est de bien la communiquer à nos clients», reconnaît David Delarive, co-CEO du Definitely Different, un groupe suisse d’hôtels durables haut de gamme. La RSH organise régulièrement des workshops où les membres échangent leurs expériences et connaissances.

Attirer les clients mais aussi les collaborateurs
La communication a aussi pour but de séduire les futurs employés de ces hôtels, confrontés comme toute la branche au recrutement du personnel. «On en fait l'expérience tous les jours, ce n'est plus celui qui a les clients qui gagne, mais celui dont les collaborateurs savent enthousiasmer les clients. Le marketing des collaborateurs est un aspect très important et le sera bientôt autant que le marketing des hôtes. Et l'effet d'une entreprise responsable et durable sur les jeunes collaborateurs et collaboratrices ne doit pas être sous-estimé», souligne Benjamin Dietsche.